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Dont le tonnerre, un soir, s’éteignit dans les flots ;
Toi qui les as couvés dans l’aire maternelle
Regarde et sois contente, et crie et bats de l’aile,
Mère, tes aiglons sont éclos !»

Revenons à nos lauréats, dont quelques-uns ressemblent bien un peu à des hiboux, à ces petits monstres rechignés dont parle La Fontaine, plutôt qu’à des aigles, mais qui se partagent tous également, néanmoins, les affections de l’Académie.

C’est donc le premier samedi d’octobre que leur mère radieuse bat de l’aile, et que la cantate couronnée est enfin exécutée sérieusement. On rassemble alors un orchestre tout entier ; il n’y manque rien. Les instruments à cordes y sont ; on y voit les deux flûtes, les deux hautbois, les deux clarinettes (je dois cependant à la vérité de dire que cette précieuse partie de l’orchestre est complète depuis peu seulement. Quand l’aurore du grand prix se leva pour moi, il n’y avait qu’une clarinette et demie, le vieillard chargé depuis un temps immémorial de la partie de première clarinette, n’ayant plus qu’une dent, ne pouvait faire sortir de son instrument asthmatique que la moitié des notes tout au plus). On y trouve les quatre cors, les trois trombones, et jusqu’à les cornets à pistons, instruments modernes ! Voilà qui est fort. Eh bien ! rien n’est plus vrai. L’Académie, ce jour-là ne se connaît plus, elle fait des folies, de véritables extravagances ; elle est contente, et crie et bat de l’aile, ses hiboux (ses aiglons, voulais-je dire) sont éclos. Chacun est à son poste. Le chef d’orchestre, armé de l’archet conducteur, donne le signal.

Le soleil se lève ; solo de violoncelle... léger crescendo.

Les petits oiseaux se réveillent ; solo de flûte, trilles de violons.

Les petits ruisseaux murmurent ; solo d’altos.

Les petits agneaux bêlent ; solo de hautbois.

Et le crescendo continuant, il se trouve, quand les petits oiseaux, les petits ruisseaux et les petits agneaux ont été entendus successivement, que le soleil est au zénith, et qu’il est midi tout au moins. Le récitatif commence :

«Déjà le jour naissant... etc.»

Suivent le premier air, le deuxième récitatif, le deuxième air, le troisième récitatif et le troisième air, où le personnage expire ordinairement, mais où le chanteur et les auditeurs respirent. Monsieur le secrétaire perpétuel prononce à haute et intelligible voix les nom et prénoms de l’auteur, tenant d’une main la couronne de laurier artificiel qui doit ceindre les tempes du triomphateur, et de l’autre une médaille d’or véritable, qui lui servira à payer son terme avant le