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qu’entend-on en France par ce mot ? — Ce n’est pas moins qu’un cours d’histoire romaine, messieurs, que vous me demandez. — Pourquoi pas ? — Je crains de n’avoir pas le talent d’être bref. — Qu’à cela ne tienne ! l’opéra est en quatre actes, et nous sommes à vous jusqu’à onze heures. »

Alors, pour vous mettre tout de suite en rapport avec les grands hommes de cette histoire, je ne remonterai pas jusqu’aux fils de Mars, ni à Numa Pompilius ; je sauterai à pieds joints par-dessus les rois, les dictateurs et les consuls ; et pourtant je dois intituler le premier chapitre de mon histoire : DE VIRIS ILLUSTRIBUS URBIS ROMÆ

Néron — (vous voyez que je passe sans transition à l’époque des empereurs), Néron ayant institué une corporation d’hommes chargés de l’applaudir quand il chantait en public, on donne aujourd’hui en France le nom de Romains aux applaudisseurs de profession, vulgairement appelés claqueurs, aux jeteurs de bouquets et généralement à tous les entrepreneurs de succès et d’enthousiasme. Il y en a de plusieurs espèces :

La mère qui fait si courageusement remarquer à chacun l’esprit et la beauté de sa fille, médiocrement belle et fort sotte ; cette mère qui, malgré son extrême tendresse pour cette enfant, se résoudra néanmoins le plus tôt possible à une séparation cruelle en la remettant aux bras d’un époux, est une Romaine.

L’auteur qui, dans la prévision du besoin qu’il aura l’an prochain des éloges d’un critique qu’il déteste, s’acharne à chanter partout les louanges de ce même critique, est un Romain.

Le critique assez peu Spartiate pour se laisser prendre à ce piége grossier, devient à son tour un Romain.

Le mari de la cantatrice qui… — C’est compris. — Mais les Romains vulgaires, la foule, le peuple romain enfin, se compose surtout de ces hommes que Néron enrégimenta le