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enfin un talent dont l’influence est irrésistible. Le succès vient. Les directeurs italiens, qui entendent les affaires, vendent, rachètent, revendent le pauvre ténor, dont les modestes appointements restent toujours les mêmes, bien qu’il enrichisse deux ou trois théâtres par an. On l’exploite, on le pressure de mille façons, et tant et tant, qu’à la fin sa pensée se reporte vers la patrie. Il lui pardonne, avoue même qu’elle a eu raison d’être sévère pour ses premiers débuts. Il sait que le directeur de l’Opéra de Paris a l’œil sur lui. On lui fait de sa part des propositions qui sont acceptées ; il repasse les Alpes.

LEVER HÉLIAQUE

Le ténor débute de nouveau, mais à l’Opéra cette fois, et devant un public prévenu en sa faveur par ses triomphes d’Italie.

Des exclamations de surprise et de plaisir accueillent sa première mélodie ; dès ce moment son succès est décidé. Ce n’est pourtant que le prélude des émotions qu’il doit exciter avant la fin de la soirée. On a admiré dans ce passage la sensibilité et la méthode unies à un organe d’une douceur enchanteresse ; restent à connaître les accents dramatiques, les cris de la passion. Un morceau se présente, où l’audacieux artiste lance à voix de poitrine, en accentuant chaque syllabe, plusieurs notes aiguës, avec une force de vibration, une expression de douleur déchirante et une beauté de sons dont rien jusqu’alors n’avait donné une idée. Un silence de stupeur règne dans la salle, toutes les respirations sont suspendues, l’étonnement et l’admiration se confondent dans un sentiment presque semblable « la crainte ; » et dans le fait, on peut en avoir pour la fin de cette période inouïe ; mais quand elle s’est terminée triomphante, on juge des transports de l’auditoire.....

Nous voici au troisième acte. C’est un orphelin qui vient revoir la chaumière de son père ; son cœur, d’ailleurs rempli d’un amour sans espoir, tous ses sens agités par les scènes de