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dit-on, à un docteur allemand mort de misère et de chagrin ; ne me l’abîme pas, j’y tiens beaucoup.

— Sois tranquille, j’en réponds !

Je mets la tête du docteur dans mon chapeau, et me voilà parti.

En passant sur le boulevard, le hasard, qui se plaît à de pareils coups, me fait précisément rencontrer Dubouchet que j’avais oublié, et dont la vue me suggère une idée lumineuse. « Bonjour ! — Bonjour ! — Très-bien, je vous remercie ! mais il ne s’agit pas de moi. Comment se porte notre amateur ?

— Quel amateur ?

— Parbleu ! le garçon épicier que nous avons mis à la porte de l’Odéon pour avoir sifflé la musique de Weber, et que François a si bien préparé.

— Ah ! j’y suis ; il se porte à merveille ! Certes ! il est propre et net dans mon cabinet, tout fier d’être si artistement articulé et chevillé. Il ne lui manque pas une phalange, c’est un chef-d’œuvre ! La tête seule est un peu endommagée.

— Eh bien ! il faut me le confier ; c’est un garçon d’avenir, je veux le faire entrer à l’Opéra, il y a un rôle pour lui dans la pièce nouvelle.

— Qu’est-ce à dire ?

— Vous verrez !

— Allons, c’est un secret de comédie, et puisque je le saurai bientôt, je n’insiste pas. On va vous envoyer l’amateur.

Sans perdre de temps, le mort est transporté à l’Opéra ; mais dans une boîte beaucoup trop courte. J’appelle alors le garçon ustensilier : Gattino !

— Monsieur.

— Ouvrez cette boîte. Vous voyez bien ce jeune homme ?

— Oui, monsieur.

— Il débute demain à l’Opéra. Vous lui préparerez une jolie petite loge où il puisse être à l’aise et étendre ses jambes.