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ennemi vaincu, n’a rien de plus pressé que de l’acheter, et le remettant au garçon d’amphithéâtre :

« François, lui dit-il, voilà une préparation sèche à faire ; soigne-moi cela, c’est une de mes connaissances. »

Quinze ans se passent (quinze ans ! comme la vie est longue quand on n’en a que faire !), le directeur de l’Opéra me confie la composition des récitatifs du Freyschutz et la tâche de mettre le chef-d’œuvre en scène. Duponchel étant encore chargé de la direction des costumes… — Duponchel ! s’écrient à la fois cinq ou six musiciens, est-ce le célèbre inventeur du dais ? celui qui a introduit le dais dans les opéras comme principal élément de succès ? l’auteur du dais de la Juive ? du dais de la Reine de Chypre ? du dais du Prophète ? le créateur du dais flottant, du dais mirobolant, du dais des dais ? — C’est lui-même, messieurs, Duponchel donc étant encore chargé de la direction des costumes, des processions et des dais, je vais le trouver pour connaître ses projets relativement aux accessoires de la scène infernale, où son dais, malheureusement, ne pouvait figurer. « Ah çà, lui dis-je, il nous faut une tête de mort pour l’évocation de Samuel, et des squelettes pour les apparitions ; j’espère que vous n’allez pas nous donner une tête de carton, ni des squelettes en toile peinte comme ceux de Don Juan.

— Mon bon ami, il n’y a pas moyen de faire autrement, c’est le seul procédé connu.

— Comment, le seul procédé ! et si je vous donne, moi, du naturel, du solide, une vraie tête, un véritable homme sans chair, mais en os, que direz-vous ?

— Ma foi, je dirai… que c’est excellent, parfait ; je trouverai votre procédé admirable.

— Eh bien ! comptez sur moi, j’aurai notre affaire !

Là-dessus je monte en cabriolet ; je cours chez le docteur Vidal, un autre de mes anciens camarades d’amphithéâtre. Il a fait fortune aussi celui-là ; il n’y a que les médecins qui vivent !

— As-tu un squelette à me prêter ?

— Non, mais voilà une assez bonne tête qui a appartenu,