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livrets d’opéras, des principaux locataires des premières loges au Conservatoire, à l’Opéra et au Théâtre-Italien ; tout cela pour vous est de l’or en barres. N’oubliez pas la rue Drouot, et allez-y tous les jours ; c’est le quartier général de vos contribuables. »

J’en étais là quand la cloche m’avertit du départ du convoi. Je serrai la main du harpiste vagabond, et m’élançant dans une diligence : Adieu, confrère ! au revoir à Paris. Avec de l’ordre et en suivant mes avis, vous y ferez fortune. Je vous recommande encore la rue Drouot.

— Et vous, pensez à mon remède contre l’amour double.

— Oui, adieu !

— Adieu !

Le train de Prague partit aussitôt. Je vis quelque temps encore le Styrien rêveur, appuyé sur sa harpe, et me suivant de l’œil. Le bruit des wagons m’empêchait de l’entendre ; mais au mouvement des doigts de sa main gauche, je reconnus qu’il jouait le thème de la Fée Mab, et à celui de ses lèvres je devinai qu’au moment où je disais encore : « Quel drôle d’homme ! » il répétait de son côté : « Quel drôle de morceau ! »


Silence… Les ronflements de mon alto et ceux du joueur de grosse caisse, qui a fini par suivre son exemple, se distinguent au travers des savants contre-points de l’oratorio. De temps en temps aussi, le bruit des feuillets tournés simultanément par les fidèles lisant le sacré livret, fait une agréable diversion à l’effet un peu monotone des voix et des instruments. — « Quoi, c’est déjà fini ? me dit le premier trombone. — Vous êtes bien honnête. Ce sont les mérites de l’oratorio qui me valent ce compliment. Mais j’ai réellement fini. Mes histoires ne sont pas comme cette fugue qui durera, je le crains, jusqu’au jugement dernier. Pousse, bourreau ! va toujours ! C’est cela, retourne ton thème maintenant ! On peut bien en dire ce que madame Jourdain dit de son mari : « Aussi sot par derrière que par devant ! » — Patience, dit le