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suprême du royaume du milieu. Cela est probable, car on n’en a plus entendu parler. Le mari, en ce cas, aura péri misérablement dans la rivière Jaune, ou sera devenu premier danseur du fils du Soleil.

— Cette dernière anecdote au moins, reprit le harpiste, ne prouve rien contre Paris.

— Quoi ! vous ne voyez pas ce qui en ressort évidemment ?… Elle prouve que Paris, dans sa fermentation continuelle, donne naissance à tant de musiciens de toute espèce, de toutes valeurs, et même sans valeur, que, sous peine de s’entre-dévorer comme les animalcules infusoires, ils sont obligés d’émigrer, et que la garde qui veille aux portes du sérail n’en défend plus aujourd’hui même l’empereur des Turcs.

— Ceci est bien triste, dit le harpiste en soupirant : je ne donnerai pas de concert, je le vois. C’est égal, je veux aller à Paris.

— Oh ! venez à Paris ; rien ne s’y oppose. Bien plus, je vous prédis d’excellentes et nombreuses aubaines, si vous voulez y mettre en pratique le système si ingénieusement employé par vous à Vienne pour faire payer la musique aux gens qui ne l’aiment pas. Je puis, à cet égard, vous être d’une grande utilité, en vous indiquant la demeure des riches qui la détestent le plus ; bien qu’en allant jouer au hasard devant toutes les maisons de quelque apparence vous fussiez à peu près sûr de réussir une fois sur deux. Mais, pour vous épargner des improvisations vaines, prenez toujours ces adresses dont je vous garantis l’exactitude et la haute valeur :

1º Rue Drouot, en face de la mairie ;

2º Rue Favart, vis-à-vis la rue d’Amboise ;

3º Place Ventadour, en face de la rue Monsigny ;

4º Rue de Rivoli, je ne sais pas le numéro de la maison, mais tout le monde vous l’indiquera ;

5º Place Vendôme, tous les numéros en sont excellents.

Il y a une foule de bonnes maisons rue Caumartin. Informez-vous encore des adresses de nos lions les plus célèbres, de nos compositeurs populaires, de la plupart des auteurs de