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de l’église de Saint-Paul étant venu m’assaillir, j’ai fait mentalement une comparaison fâcheuse, et je suis sorti, laissant Purcell sommeiller avec ses fidèles.

Sir George Smart a bien voulu, un dimanche, me faire les honneurs de la chapelle de Saint-James, dont il est l’organiste. Hélas ! la musique a abandonné ce réduit, depuis que les rois et les reines ont cessé d’habiter le palais. Quelques chantres sans voix, huit enfants de chœur qui en ont trop, un orgue primitif, c’est tout ce qu’on y entend. Cette chapelle fut construite par Henri VIII, et sir George m’a montré la petite porte par laquelle ce bon roi venait rendre grâce à Dieu et chanter les alleluia composés par lui-même, chaque fois qu’il avait inventé une nouvelle religion ou fait couper le cou à une de ses femmes…

J’ai entendu aussi dans un concert le brillant Stabat de Rossini… Vous ne connaissez pas l’histoire de la fugue qui termine cette partition ? La voici.

Rossini, ce grand musicien de tant d’esprit, a pourtant eu la faiblesse de croire qu’un Stabat respectable, un vrai Stabat, un Stabat digne de succéder à ceux de Palestrina et de Pergolèse, devait absolument finir par une fugue sur le mot Amen. C’est en réalité, vous le savez tous, le plus abominable et le plus indécent des contre-sens ; mais Rossini ne se sentait pas le courage de braver le préjugé établi là-dessus. Or, comme la fugue n’est pas son fort, il alla trouver son ami Tadolini, qui passe pour un contre-pointiste à tous crins, et il lui dit de son air le plus câlin : Caro Tadolini, mi manca la forza ; fammi questa fuga ! Le pauvre Tadolini se dévoua et fit la fugue. Puis quand le Stabat parut, les professeurs de contre-point la trouvèrent détestable, ces messieurs ayant toujours été dans l’usage de n’accorder la science de la fugue qu’à eux ou à leurs élèves. De sorte qu’en fin de compte, Rossini, à les en croire, eût tout aussi bien fait d’écrire sa fugue lui-même.

Telle est l’anecdote qui circule ; mais la vérité vraie, c’est, entre nous soit dit, que la fugue est de Rossini.

Un malheur sérieux vient de nous frapper à Paris, et