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aussi naïvement violentes qu’était la mienne, Gavaudan, qui jouait encore alors le rôle de Coradin, où il excellait, ne douta point qu’on n’eût voulu le railler par une farce indécente, et sortit de la scène courroucé. Il n’avait pourtant jamais peut-être produit d’effet plus réel. Les acteurs se trompent plus souvent en sens inverse.

Il faut des voix très-puissantes pour exécuter ce duo ! Je voudrais y voir aux prises mademoiselle Cruvelli et Massol. Méhul écrivit un peu plus tard Stratonice, où il avait à peindre les douleurs du grand amour concentré qui donne la mort. Il faut citer dans cette œuvre l’ouverture d’abord, une charmante invocation à Vénus, l’air : « Versez tous vos chagrins, » le quatuor de la consultation : « Je tremble ! mon cœur palpite ! » pendant lequel le médecin Erasistrate, à l’aspect du trouble que cause à Antiochus expirant la présence de Stratonice, découvre la passion du jeune prince pour elle, et reconnaît la cause de sa maladie ; et encore un bel air d’Erasistrate, et la dernière phrase du roi Séleucus, si vraie et si touchante :

Accepte de ma main ta chère Stratonice, Et par le prix du sacrifice Juge de tout l’amour que ton père a pour toi !

Après avoir écrit Horatius Coclès, le jeune Sage et le vieux Fou, espèce de vaudeville mesquin ; Doria, aujourd’hui inconnu ; Adrien, belle partition non publiée (nous en possédons un exemplaire manuscrit à la bibliothèque du Conservatoire), Phrosine et Mélidore, dont la musique, souvent pleine d’inspiration, contient des effets d’orchestre entièrement inconnus à cette époque, tels que celui des quatre cors employés dans leurs notes dites bouchées les plus sourdes, pour accompagner d’une sorte de râle instrumental la voix d’un mourant ; Méhul, dans l’espoir de terrasser Lesueur, qu’il détestait, et dont l’opéra la Caverne venait d’obtenir un succès immense… (J’oubliais de vous dire que Lesueur fut un célèbre compositeur français, né à Drucat-Plessiel, près d’Abbeville, la même année que Méhul ; il fut