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compétents qui l’ont admiré a Berlin, nous ne pouvions apprécier qu’une face de ce talent, qui a besoin de l’animation de la scène pour se développer tout entier. Elle a chanté le duo du troisième acte des Huguenots avec Staudigl, le finale d’Euryanthe, et un air avec chœurs ravissant d’originalité, de fraîcheur, semé d’effets imprévus, de dialogues piquants entre le chœur et le soprano solo, d’une harmonie vibrante et distinguée, d’une mélodie coquette et mordante, intitulé sur le programme : Air de la Niobé de Paccini. Jamais mystification ne fut plus heureusement trouvée : c’était une cavatine du Camp de Silésie de Meyerbeer. Pischek et Staudigl ont chanté un duo de Fidelio ; la voix de Pischek est de toute beauté et rivalisait admirablement avec celle de Staudigl dont j’ai déjà vanté la puissance. Pischek, pour moi, est le plus précieux timbre de voix d’homme que je connaisse. Ajoutez qu’il est jeune, bel homme, qu’il chante avec une verve intarissable, et vous concevrez l’empressement avec lequel le roi de Wurtemberg l’a enlevé au théâtre de Francfort et l’a attaché pour la vie à sa chapelle.

Madame Viardot-Garcia a dit aussi trois morceaux avec sa méthode exquise et sa poétique expression ; c’étaient une jolie cavatine de Ch. de Bériot, la scène des enfers d’Orphée, et un air de Hændel, demandé par la reine d’Angleterre, qui savait la supériorité avec laquelle madame Viardot sait interpréter la vieux maître saxon. Minuit sonnait ! et les astres tombants invitaient au sommeil. J’ai trouvé place fort heureusement dans une diligence du chemin de fer pour retourner à Bonn ; je me suis couché à une heure, j’ai dormi jusqu’à midi, ivre-mort d’harmonie, las d’admirer, succombant à un besoin irrésistible de silence et de calme, et convoitant déjà la chaumière de Kœnig’s-Winter où je suis, et où je me propose de rêver encore pendant quelques jours avant de retourner en France.


N’admirez-vous pas ma mémoire, cher Corsino, et la facilité