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important, c’est l’adagio varié du trio en si bémol de Beethoven, que Liszt a eu l’heureuse idée d’introduire à la fin de sa propre cantate, pour en faire une sorte d’hymne à la gloire du maître. Cet hymne, présenté d’abord avec son caractère de grandeur triste, éclate enfin avec la majesté d’une apothéose ; puis le thème de la cantate reparaît dialogué entre le chœur et l’orchestre, et tout finit par un pompeux ensemble. Je le répète, la nouvelle œuvre de Liszt, vaste dans ses dimensions, est vraiment belle de tout point ; cette opinion, que j’exprime sans partialité aucune pour l’auteur, est aussi celle des critiques les plus sévères qui assistaient à son exécution ; le succès en a été complet, il grandira encore.

Le programme de ce concert était d’une richesse, on peut le dire, excessive ; la durée des morceaux n’avait pas été bien calculée, et l’on a prévu trop tard qu’il ne serait pas possible de l’exécuter en entier. C’est ce qui est arrivé. D’abord le roi, jugeant aussi au premier coup d’œil qu’il ne pourrait rester jusqu’au bout d’une aussi longue séance, avait désigné les pièces qu’il voulait entendre, et après lesquelles il devait partir. On s’est conformé à la volonté royale, et d’après elle on a fait un triage, d’où il est résulté le programme suivant :

1º Ouverture d’Egmont, de Beethoven ; 2º Concerto de piano, de Weber ; 3º Air de Fidelio, de Beethoven ; 4º Air de Mendelssohn ; 5º Adélaïde, cantate de Beethoven.

Le roi de Prusse s’entend fort bien à faire des programmes. L’ouverture d’Egmont a été supérieurement exécutée ; la coda à deux temps, enlevée par l’orchestre avec chaleur, a produit un effet électrique. Madame Pleyel a dit avec une prestesse et une élégance rares le ravissant concerto de Weber. Mademoiselle Novello a chanté d’une fière et belle manière le bel air de Fidelio avec les trois cors obligés. Mademoiselle Schloss a rendu un morceau de Mendelssohn largement, avec des sons magnifiques d’une justesse irréprochable, et une expression vraie et bien sentie. Quel dommage pour les auteurs d’opéras que cette cantatrice excellente se refuse à la carrière dramatique ! Celle-là du moins sait parfaitement le français, et je connais un grand théâtre auquel elle pourrait rendre