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pondre, comme celui des côtes de Bretagne, quand Victor Hugo, revenant d’une promenade en mer, à quelques lieues de Vannes, ne put présenter son passe-port : « Et qu’est-ce que cela me fait que vous soyez Victor Hugo, homme de lettres, et que vous ayez fait Mon cousin Raymond ou Télémaque ! Vous n’avez pas de passe-port, il faut me suivre, et ne résistons pas ! »

J’ai failli ne pouvoir entendre la messe exécutée à la cathédrale le second jour, grâce au sans-façon avec lequel le comité traitait tous ses invités, dont il ne s’occupait pas le moins du monde. Impossible d’approcher des portes de l’église, la foule obstruait toutes les avenues, on s’écrasait sans vergogne ; et c’est dans cette cohue que les industriels venus de Londres et de Paris ont dû faire leurs plus beaux coups de main. Enfin, songeant qu’il devait y avoir quelque part une porte dérobée pour les artistes de l’orchestre et du chœur, je m’en suis mis en quête, et, grâce à un bon Bonnois, membre du comité, qui, en m’entendant nommer, ne m’a point pris pour l’auteur de Télémaque, je suis parvenu à entrer avec mon habit entier. A l’autre extrémité de l’église, des cris affreux se faisaient entendre ; on eût dit par moments des clameurs d’une ville prise d’assaut. La messe cependant a pu commencer, et j’en ai trouvé l’exécution remarquable. Cette partition, d’un style moins hardi que la messe en ré et conçue dans des proportions moins vastes, contient un grand nombre de très-beaux morceaux, et rappelle par son caractère celui des meilleures messes solennelles de Cherubini. C’est franc, vigoureux, brillant ; il y a quelquefois même, eu égard à la véritable expression exigée par le texte sacré, excès de vigueur, de mouvement et d’éclat ; mais, d’après une opinion fort répandue, la plupart des morceaux de musique qu’on trouve dans cette œuvre furent écrits par Beethoven pour des motets et des hymnes, et parodiés ensuite, avec une grande adresse, il est vrai, sur les paroles du service divin. Le chœur des soprani fit encore là des merveilles et me sembla mieux secondé qu’aux séances précédentes par le chœur d’hommes et par l’orchestre. Le clergé de Bonn, fort