Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée

corrigée. Il fallait aller à Bonn pour faire cette découverte.

Le finale de Fidelio terminait la séance ; ce magnifique morceau d’ensemble n’a pas eu l’entraînement qu’il a toujours en scène et qui lui valut sa célébrité. Je crois que la fatigue de l’auditoire et des exécutants entrait pour beaucoup dans cette différence.



Je suis allé me recueillir après les fêtes, dans un village dont le calme et la paix contrastent étrangement avec le tumulte qui, hier encore, régnait dans la ville voisine. C’est Kœnig’s-Winter, situé sur l’autre rive du fleuve, en face de Bonn. Ses paysans sont tout fiers de l’illustration qui rejaillit vers eux. Plusieurs vieillards prétendent avoir connu Beethoven dans sa jeunesse. Traversant le fleuve en barque, il venait souvent alors, disaient-ils, rêver et travailler dans leurs plaines. Beethoven eut, en effet, un grand amour pour la campagne ; ce sentiment a beaucoup influé sur son style, et il se fait jour quelquefois dans celles mêmes de ses compositions dont la tendance n’a rien de pastoral. Il conserva jusqu’à la fin de sa vie cette habitude d’errer seul dans les champs, sans tenir compte du gîte dont il aurait besoin pour la nuit, oubliant le manger et le dormir, et fort peu attentif, en conséquence, aux enclos réservés et aux ordonnances sur la chasse. On prétend, à ce sujet, qu’un jour, aux environs de Vienne, il fut arrêté par un garde qui s’obstinait à le prendre pour un braconnier tendant des piéges aux cailles dans le champ de blé en fleur où il était assis. Déjà sourd alors, et ne comprenant rien aux récriminations de l’inflexible représentant de la force publique, le pauvre grand homme, avec cette naïveté commune aux poëtes et aux artistes célèbres, qui ne doutent jamais que leur célébrité ne soit parvenue jusqu’aux rangs inférieurs de la société, s’époumonnait à répéter : « Mais je suis Beethoven ! vous vous trompez ! laissez-moi donc ! Je suis Beethoven, vous dis-je ! » Et le garde de ré