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et ne détournant jamais les yeux de leur musique que pour regarder de temps en temps les mouvements du chef. Aussi l’effet des parties hautes du chœur a-t-il été de toute beauté, et la palme de l’exécution musicale des œuvres de Beethoven, à ces trois concerts, revient-elle de droit aux soprani.

La messe solennelle (en ré) est écrite, ainsi que la neuvième symphonie, pour chœur et quatre voix récitantes. Trois des solistes se sont bien acquittés de leur tâche dans ces vastes compositions.

Mademoiselle Tuczek a bravement abordé les notes aiguës, si dangereuses et si fréquentes, dont Beethoven a malheureusement semé les parties des soprano dans tous ses ouvrages. Sa voix est éclatante et fraîche, sans avoir beaucoup d’agilité ; elle était, je crois, la plus propre qu’on pût trouver à remplir convenablement ce difficile et périlleux emploi. Mademoiselle Schloss n’avait pas à courir des chances aussi défavorables, la partie de contralto n’étant pas écrite hors des limites de son étendue naturelle. Elle a fait en outre, depuis l’époque où j’eus le plaisir de l’entendre à Leipzig, des progrès très-sensibles, et l’on peut la considérer aujourd’hui comme l’une des meilleures cantatrices de l’Europe, tant par la beauté, la force et la justesse de sa voix, que par son sentiment musical et l’excellence de son style de chant. Le ténor, dont le nom m’échappe, a paru faible. La basse, Staudigl, mérite bien sa haute réputation ; il chante en musicien consommé, avec une voix superbe et d’une assez grande étendue pour pouvoir prendre à l’occasion le fa grave et le fa dièze haut, sans hésitation.

L’impression produite par la symphonie avec chœurs a été grande et solennelle ; le premier morceau par ses proportions gigantesques et l’accent tragique de son style, l’adagio, expression de regrets si poétiques, le scherzo émaillé de si vives couleurs et parfumé de si douces senteurs agrestes, ont successivement étonné, ému et ravi l’assemblée. Malgré les difficultés que présente la partie des soprani, dans la seconde moitié de la symphonie, ces dames l’ont chantée avec une verve et une beauté de sons admirables. La strophe guerrière avec le solo de ténor :