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instrumentistes qu’on peut former à Paris, à Londres, à Vienne, à Brunswick ou à Berlin. Il tenait le milieu entre un orchestre romain ou florentin et celui de la Société des Concerts de Paris. Mais c’est précisément cela qu’on a reproché aux ordonnateurs de la fête, et chacun trouvait que c’eût été le cas ou jamais, d’avoir un orchestre royal, splendide, puissant, magnifique, sans pareil, digne enfin du père et du souverain maître de la musique instrumentale moderne. La chose était non-seulement possible, mais d’une très-grande facilité ; il ne fallait que s’adresser, six mois d’avance, aux sommités instrumentales des grandes villes que je viens de nommer, obtenir de bonne heure (et je ne doute pas qu’on ne l’eût obtenu) leur assentiment positif, et se bien garantir des idées étroites de nationalisme, qui ne peuvent avoir en pareil cas que les plus désastreux résultats et paraissent à tous les esprits droits d’un ridicule infini. Que Spohr et Liszt, Allemands tous les deux, aient été chargés de la direction des trois concerts de cette solennité allemande, rien de mieux ; mais, pour parvenir à former un orchestre aussi imposant par sa masse que par l’éminence de ses virtuoses, il fallait sans hésiter recourir à toutes les nations musicales. Quel grand malheur si, au lieu du mauvais hautbois, par exemple, qui a si médiocrement joué les solos dans les symphonies, on avait fait venir Veny ou Verroust de Paris, ou Barret de Londres, ou Evrat de Lyon, ou tout autre d’un talent sûr et d’un style excellent ! Loin de là, on n’a pas même songé à recourir à ceux des habiles instrumentistes qui se trouvaient parmi les auditeurs. MM. Massard, Cuvillon, Seghers et Very n’eussent pas, j’imagine, déparé l’ensemble assez mesquin des violons ; on avait sous la main M. Blaës, l’une des meilleures clarinettes connues ; Vivier se fût tenu pour très-honoré de faire une partie de cor ; et Georges Hainl qui, pour être devenu un chef d’orchestre admirable, n’en est pas moins resté un violoncelliste de première force, lui qui était accouru de cent quatre-vingts lieues, abandonnant et son théâtre et ses élèves de Lyon, pour venir s’incliner devant Beethoven, n’eût