Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/377

Cette page n’a pas encore été corrigée

musiciens allemands qui ont joué les symphonies de Beethoven sous sa direction, qu’il dirigeait médiocrement l’exécution même de ses œuvres. Ceci n’a rien d’incroyable : le talent du chef d’orchestre est spécial, comme celui du violoniste ; il s’acquiert par une longue pratique et si l’on a d’ailleurs pour lui des dispositions naturelles très-prononcées. Beethoven fut un pianiste habile, mais un violoniste détestable, bien qu’il eût dans son enfance pris des leçons de violon. Il aurait pu jouer fort mal de l’un et de l’autre instrument, ou même n’en pas jouer du tout, sans être pour cela un moins prodigieux compositeur.

On croit assez généralement qu’il composait avec une extrême rapidité. Il lui est même arrivé d’improviser un de ses chefs-d’œuvre, l’ouverture de Coriolan, en une nuit ; en général cependant il travaillait, retournait, pétrissait ses idées de telle sorte, que le premier jet ressemblait fort peu à la forme qu’il leur imprimait enfin pour l’adopter. Il faut voir ses manuscrits pour s’en faire une idée. Il refit trois fois le premier morceau de sa septième symphonie (en la). Il a cherché pendant plusieurs jours, en vaguant dans les champs autour de Vienne, le thème de l’Ode à la joie, qui commence le finale de sa symphonie avec chœurs. On possède l’esquisse de cette page.

Après la première phrase qui s’était présentée à l’esprit de Beethoven, on y trouve écrit en français le mot mauvais. La mélodie modifiée reparaît quelques lignes plus bas, accompagnée de cette observation, en français toujours : « Ceci est mieux ? » Puis enfin on la trouve revêtue de la forme que nous admirons, et décidément élue par les deux syllabes que l’opiniâtre chercheur dut tracer avec joie : « C’est ça ! »

Il a travaillé pendant un temps considérable à sa messe en ré. Il refit deux ou trois fois son opéra de Fidelio, pour lequel il composa, on le sait, quatre ouvertures. Le récit de ce qu’il eut à endurer pour faire représenter cet opéra, par le fait de la mauvaise volonté et de l’opposition de tous ses exécutants, depuis le premier ténor jusqu’aux contre-basses de l’orchestre, offrirait un triste intérêt, mais nous