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bon comme ces gros canons de nos remparts, inoffensivement couchés au soleil et dans la gueule desquels les poules font leur nid. Je veux porter un toast tout simple, tout cordial, que les deux honorables orateurs qui m’ont précédé à la tribune auraient dû porter avant moi. Ils m’ont laissé cet honneur, j’en profite, tant pis ! Je bois à l’hôte que nous aimons et qui va nous quitter, puisse-t-il revenir bientôt nous assister de nouveau pendant nos nocturnes labeurs ! » Longs hourras, applaudissements, poignées de main. « Eh ! donc, crie Schmidt triomphant, vous voyez que ce sont encore les farceurs qui ont le plus de cœur. »

Je me lève à mon tour : « Merci ! mon cher Schmidt. Messieurs, mon opinion sur l’état présent et sur l’avenir de notre art tient un peu de l’opinion de Corsino, et beaucoup de celle de votre savant chef. Je me surprends quelquefois à partager le bouillant enthousiasme du premier, mais les craintes du second viennent bien vite le refroidir, et le souvenir de mainte expérience désolante qu’il m’a été imposé de faire, vient ajouter encore à l’amertume de ma tristesse, sinon de mon découragement. Les agitations politiques, sans doute, sont un terrible obstacle à la prospérité de la musique telle que nous la comprenons. Malheureusement, si elle souffre et languit, les causes premières de ses maux les plus réels sont fort près d’elle, et je crois que c’est là surtout que nous devons les chercher. Notre art, essentiellement complexe, a besoin pour exercer toute sa puissance d’agents nombreux ; il faut pour leur donner l’unité d’action indispensable, l’autorité, l’autorité forte et absolue. Corsino a parfaitement senti cette nécessité dans l’organisation de son Euphonia. Mais à cette autorité artiste que nous devons supposer intelligente et dévouée, il faut aussi le nerf de la guerre et de l’industrie, il faut l’argent. Ces quatre puissances, l’autorité, l’intelligence, le dévouement et l’argent, où se trouvent-elles réunies d’une manière constante ? Je ne le vois pas. Leur union n’existe guère que passagèrement et dans des circonstances rares tout à fait exceptionnelles. La vie agitée et précaire que mène aujourd’hui la musique en