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pour qu’il nous égaye un peu ; car nous tournons à la politique et je ne connais rien de plus… vexant. »

Schmidt fait une grimace et monte sur sa chaise son verre à la main : « Messieurs, dit-il de sa voix de crécelle, pour ne pas sortir trop brusquement du sujet des discours précédents, je vous dirai que la foi et l’enthousiasme de Corsino, et le cramponnement de notre chef à un espoir que je supposais éteint en lui, me font le plus grand plaisir. Peut-être parviendrai-je à croire et à espérer aussi. Attendez ! il me semble même que l’espérance et la foi me reviennent ensemble. Je ne me sens pas encore la force de transporter des montagnes… mais, Dieu me pardonne ! cela va venir, car, ma parole d’honneur, je crois que je crois.

»A quoi tiennent les révolutions de l’esprit humain ! j’étais tout à l’heure plus incrédule qu’un professeur d’algèbre. Je croyais que deux et deux font quatre ; et encore, comme Paul-Louis Courier, le vigneron français, n’en étais-je pas bien sûr.

»Et maintenant, par suite des beaux sermons que nous venons d’entendre, on me dirait que monsieur*** a fait....., que mademoiselle*** n’a pas fait… que madame*** n’a pas dit.... je serais capable de le croire.

»Admirez, s’il vous plaît, entre deux parenthèses, la bonté qu’a mon tromblon de ne pas partir ! Quelle chance, si j’étais méchant, qu’une phrase ainsi chargée à mitraille, prête à faire feu ! Je pourrai prêter de belles actions à des drôles, de beaux ouvrages à des crétins, du bon sens à des sots, du talent à Kleiner… » — Ah ! ah ! bon ! voilà ton affaire, Kleiner, tu as voulu être égayé (on siffle), tu l’es. — Schmidt reprenant : « Oui, je pourrais prêter un public à notre théâtre, de la voix et du style à nos chanteurs, de la beauté à nos actrices, le sentiment de l’art à notre directeur ; enfin c’est effroyable le ravage que ferait mon tromblon. Pas du tout, sa bouche ouverte restera muette ; je le désarme, et pour plus de sûreté (avalant un grand verre de vin) je noie les poudres. Car si l’on a vu partir des fusils qui n’étaient pas chargés, à plus forte raison pourrait-on voir partir un tromblon chargé qui n’est que désarmé. Et je veux être bon aujourd’hui, mais