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sur divers points de l’empire. Rarement la ville se meut tout entière.

Aux fêtes solennelles dont l’art est le seul objet, ce sont les auditeurs qui se déplacent, au contraire, et qui viennent entendre les Euphoniens.

Un cirque, à peu près semblable aux cirques de l’antiquité grecque et romaine, mais construit dans des conditions d’acoustique beaucoup meilleures, est consacré à ces exécutions monumentales. Il peut contenir d’un côté vingt mille auditeurs et de l’autre dix mille exécutants.

C’est le ministre des beaux-arts qui choisit dans la population des différentes villes d’Allemagne, les vingt mille auditeurs privilégiés auxquels il est permis d’assister à ces fêtes. Ce choix est toujours déterminé par le plus ou moins d’intelligence et de culture musicale des individus. Malgré la curiosité excessive que ces réunions excitent dans tout l’empire, aucune considération n’y ferait admettre un auditeur reconnu, par son inaptitude, indigne d’y assister.

L’éducation des Euphoniens est ainsi dirigée : les enfants sont exercés de très-bonne heure à toutes les combinaisons rhythmiques ; ils arrivent en peu d’années à se jouer des difficultés de la division fragmentaire des temps de la mesure, des formes syncopées, des mélanges de rhythmes inconciliables, etc. ; puis vient pour eux l’étude du solfége, parallèlement à celle des instruments, un peu plus tard celle du chant et de l’harmonie. Au moment de la puberté, à cette heure d’efflorescence de la vie où les passions commencent à se faire sentir, on cherche à développer en eux le sentiment juste de l’expression et par suite du beau style.

Cette faculté si rare d’apprécier, soit dans l’œuvre du compositeur, soit dans l’exécution de ses interprètes, la vérité d’expression, est placée au-dessus de toute autre dans l’opinion des Euphoniens.

Quiconque est convaincu d’en être absolument privé, ou de se complaire à l’audition d’ouvrages d’une expression fausse, est inexorablement renvoyé de la ville, eût-il d’ailleurs un talent éminent ou une voix exceptionnelle ; à moins qu’il