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FANNY.

Cela me fait peur. Il arrivera quelque malheur, il se tuera, madame.

MINA.

Bah !

FANNY

Il se tuera, cela est sûr !

MINA.

Assez, voyons !

FANNY.

Pauvre jeune homme !

MINA.

Ah ça, vous tairez-vous, idiote ? Allez rejoindre ma mère et l’aider à faire nos préparatifs de départ. Et pas de réflexions, je vous prie, si vous tenez à rester à mon service. (Fanny sort).

MINA (seule).

Il se tuera !… ne dirait-on pas que je suis obligée… D’ailleurs est-ce ma faute… si je ne l’aime plus ! »

Elle se met au piano et vocalise pendant quelques minutes ; puis ses doigts, courant sur le clavier, reproduisent le thème de la première symphonie de Shetland qu’elle a entendue six mois auparavant. Elle murmure en jouant : « Réellement c’est beau cela ! il y a dans cette mélodie quelque chose de si élégamment tendre, de si capricieusement passionné !… » Elle s’arrête… Long silence… Elle reprend le thème symphonique : « Shetland est un homme à part !… différent des autres hommes… par son génie, son caractère (jouant toujours) et le mystère de sa vie… (elle prend le mode mineur) il ne m’aimera jamais, au dire de Xilef ! » Le thème reparaît fugué, disloqué, brisé. Crescendo. Explosion dans le mode majeur. Mina s’approche d’une glace, arrange ses cheveux en fredonnant les premières mesures du thème de la symphonie… Nouveau silence. Elle aperçoit la lettre du baron qui