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ne figurent point. (Ils ont conservé les contre-basses à trois cordes accordées en quintes…) Ce formidable bataillon d’instruments à cordes a pour adversaires une douzaine de bugles à clefs, six trompettes à pistons, six trombones à cylindres, deux ténors-tubas, deux basses-tubas, trois ophicléides, un cor, trois petites flûtes, trois petites clarinettes en mi bémol, deux clarinettes en ut, trois clarinettes basses pour les airs gais, et un buffet d’orgue pour jouer les airs de ballets. N’oublions pas quatre grosses caisses, six tambours et deux tam-tams. Il n’y a plus ni hautbois, ni bassons, ni harpes, ni timbales, ni cymbales. Ces instruments sont tombés dans l’oubli le plus profond. Et cela se conçoit ; l’orchestre n’ayant pour but que de produire un bruit capable de dominer de temps en temps les rumeurs de la salle, les petites clarinettes et les petites flûtes ont des sons bien plus perçants que ceux des hautbois ; les ophicléides et les tubas sont bien préférables aux bassons, les tambours aux timbales, et les tam-tams aux cymbales. Je ne vois pas même pourquoi on a conservé le cor unique qu’on se plaît à faire écraser par les autres instruments de cuivre ; il ne sert vraiment à rien ; et les quatre misérables violons, et les trois contre-basses, on les distingue à peine davantage. Cette singulière agglomération d’instruments nécessite un travail spécial des operatori, pour approprier aux exigences de l’orchestre moderne (phrase consacrée) l’instrumentation des maîtres anciens qu’ils opèrent, dépècent et accommodent en olla podrida, selon le procédé que je t’ai fait connaître en commençant. Et ces opérations, bien entendu, sont faites d’une façon digne de tout ce qui se manipule ici sous le nom de musique. Les parties de hautbois sont confiées aux trompettes, celles de basson aux tubas, celles de harpe aux petites flûtes, etc.

Les musiciens (les musiciens ! ! !) exécutent à peu près ce qui est écrit, mais sans nuance aucune ; le mezzo-forte est d’un usage variable et permanent. Le forte a lieu quand les grosses caisses, les tambours et tam-tams sont employés, le piano quand ils se taisent : telles sont les nuances connues et observées. Le chef d’orchestre a l’air d’un sourd conduisant des