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eux une assez notable différence pour leur permettre de porter tous les deux la cuirasse romaine ; sans cela la pièce n’eût pas été représentée. Une fois la grande affaire des costumes terminée, on passe à celle des morceaux de chant. Alors commence pour l’operatore une tâche bien pénible, je vous assure, et bien humiliante pour lui, s’il a quelque connaissance de la musique et un peu d’amour-propre. Ces messieurs et ces dames examinent l’étendue et le tissu des mélodies, et d’après cette rapide inspection, l’un dit : Je ne veux pas chanter en fa ma phrase du trio, ce n’est pas assez brillant. Operatore ! tu me la transposeras en fa dièze. — Mais, monsieur, c’est un trio, et les deux autres voix devant rester dans le ton primitif, comment faire ? — Fais comme tu voudras, module avant et après, ajoute quelques mesures, enfin arrange-toi, je veux chanter ce thème en fa dièze. — Cette mélodie ne me plaît pas, dit la prima donna, j’en veux une autre. — Signora, c’est le thème du morceau d’ensemble, et toutes les parties de chant le reprenant successivement après vous, il faut bien que vous daigniez le chanter. — Comment, il faut ! impertinent ! Il faut que tu m’en donnes un autre, et tout de suite ! voilà ce qu’il faut. Fais ton métier et ne raisonne pas. — Hum ! hum ! tromba ! tromba ! già ribomba la tromba, crie la basse sur le ré supérieur. Ah ! ah ! mon ré n’est pas si fort qu’à l’ordinaire depuis ma dernière maladie, je dois le laisser revenir. Operatore ! tu auras à m’ôter toutes ces notes, je ne veux plus de ré dans mes rôles jusqu’au mois de septembre ; tu mettras des do et des si à la place. — Dis donc, Facchino, gronde le baryton, est-ce que tu aurais envie de recevoir une application de la pointe de mon pied quelque part ? Je m’aperçois que tu oublies mon mi bémol ! il ne paraît qu’une vingtaine de fois dans mon air ; fais-moi le plaisir d’ajouter au moins deux mi bémols dans toutes les mesures, je n’ai pas envie de perdre ma réputation ! etc., etc. — Et pourtant, continue le malheureux operatore, il y a de bien jolis passages dans ma musique, je puis le dire. Tenez, voyez cette prière qu’on m’a toute gâtée, je n’ai jamais rien trouvé de mieux !

Je regarde !… sa musique… juge de mon étonnement en