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moment par Charles Hallé, le pianiste modèle, le musicien sans peur et sans reproche, est peut-être supérieure aux Sociétés de Londres, si l’on en croit les juges impartiaux. La beauté des voix y est du moins extrêmement remarquable, le sentiment musical très-vif, l’orchestre nombreux et bien exercé ; et quant à l’ardeur des dilettanti, elle est telle, que quatre cents auditeurs surnuméraires paient une demi-guinée pour avoir le droit d’acheter des billets de concert, dans le cas très-rare où, par l’absence ou la maladie de quelques-uns des sociétaires auditeurs en titre, il leur deviendrait possible de s’en procurer. Soutenue par un tel zèle, si dispendieuse qu’elle soit, une institution musicale doit prospérer. La musique se fait belle et charmante pour ceux qui l’aiment et la respectent ; elle n’a que dédains et mépris pour ceux qui la vendent. Voilà pourquoi elle est si acariâtre, si insolente et si sotte de notre temps, dans la plupart des grands théâtres de l’Europe livrés à la spéculation, où nous la voyons si atrocement vilipendée.

Parmi les institutions musicales de Londres, je vous citerai encore l’ancienne Société philharmonique de Hanover square, depuis trop longtemps célèbre pour que j’aie à vous en entretenir.

Quant à la New philharmonic Society, récemment fondée à Exeter-Hall, et qui vient d’y fournir une carrière si brillante, vous concevrez que je doive me borner à quelques détails de simple statistique ; en ma qualité de chef d’orchestre de cette Société, j’aurais mauvaise grâce d’en faire l’éloge. Sachez seulement que les directeurs de l’entreprise m’ont donné les moyens de faire exécuter grandement les chefs-d’œuvre, et la possibilité (à peu près sans exemple jusqu’ici en Angleterre) d’avoir un nombre suffisant de répétitions. L’orchestre et le chœur forment ensemble un personnel de deux cents trente exécutants, parmi lesquels on compte tout ce qu’il y a de mieux à Londres en artistes anglais et étrangers. Tous, a un talent incontestable, joignent l’ardeur, le zèle et l’amour de l’art, sans lesquels les talents les plus réels ne produisent bien souvent que de médiocres résultats.