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mais je ne pouvais passer sous le silence un fait aussi considérable que la perfection d’exécution à laquelle sont parvenus les chantres de l’empereur de Russie. Ce souvenir, d’ailleurs, s’est tout naturellement présenté a mon esprit comme l’antithèse de celui des enfants anglais de Saint-Paul.

Maintenant, pour revenir à Londres, et avant de décrire la musique des Chinois, des Indiens et des Highlanders, que j’ai entendue, je dois vous dire que l’Angleterre (on l’ignore trop sur le continent), a créé depuis quelques années des établissements d’une grande importance, où la musique n’est point un objet de spéculation comme dans les théâtres, et où on la cultive en grand, avec soin, avec talent et un véritable amour. Telles sont the sacred Harmonic Society, the London sacred Harmonic Society, à Londres, et les Philharmoniques de Manchester et de Liverpool. Les deux sociétés londoniennes, qui font entendre des oratorios dans la vaste salle d’Exeter-Hall, comptent près de six cents choristes. Les voix de ces chanteurs ne sont pas des plus belles, il est vrai, bien qu’elles m’aient paru de beaucoup supérieures aux voix parisiennes proprement dites ; mais de leur ensemble résulte toutefois un effet imposant, essentiellement musical, et, en somme, ces choristes sont capables d’exécuter correctement les œuvres si complexes, aux intonations si dangereuses parfois, de Hændel et de Mendelssohn, c’est-à-dire tout ce qu’il y a, en fait de chant choral, de plus difficile. L’orchestre qui les accompagne est insuffisant par le nombre seulement ; eu égard au caractère simple de l’instrumentation des oratorios en général, il laisse peu à désirer sous les autres rapports. C’est par cette masse bien organisée d’amateurs, secondés par un petit nombre d’artistes, que j’ai entendu exécuter à Exeter-Hall, devant deux mille auditeurs profondément attentifs, le magnifique poëme sacré Élie, dernière œuvre de Mendelssohn. Entre ces institutions et celles qui ont mis nos ouvriers de Paris à même de chanter une fois l’an en public des ponts-neufs plus ou moins misérables, il y a un abîme. Je ne connais pas encore la valeur de la Société musicale de Liverpool. Celle de Manchester, dirigée en ce