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« Monsieur Lesueur, s’écrie-t-il, ce morceau n’est pas de Païsiello. — Je demande pardon à Votre Majesté ; il est de lui, n’est-ce pas, Grégoire ? — Oui, Sire, certainement. — Messieurs, il y a quelque erreur là-dedans : mais veuillez bien recommencer… » — Après vingt mesures, l’Empereur interrompt le chanteur pour la seconde fois : « Non, non, c’est impossible, Païsiello a plus d’esprit que cela. » Et Grégoire d’ajouter d’un air humble et confit : « C’est sans doute un ouvrage de sa jeunesse, un coup d’essai. — Messieurs, réplique vivement Napoléon, les coups d’essai d’un grand maître comme Païsiello sont toujours empreints de génie, et jamais au-dessous de la médiocrité, comme le morceau, que vous venez de me faire entendre..... »

Nous avons eu en France depuis lors bien des directeurs, administrateurs et protecteurs des beaux-arts, mais je doute qu’ils aient jamais montré cette pureté de goût dans les questions musicales auxquelles ils se trouvaient mêlés, pour la damnation des virtuoses et des compositeurs. Beaucoup d’entre eux, au contraire, ont donné des preuves nombreuses de leur aptitude à prendre du Pucita ou du Gavaux pour du Mozart et du Beethoven, et vice versâ.

Et pourtant, à coup sûr, Napoléon ne savait pas la musique.

MOI.

Puisque nous en sommes ce soir à raconter des anecdotes sur le grand empereur, en voici une encore qui montre comment il savait honorer les artistes dont les œuvres lui étaient sympathiques. Lesueur, dont Corsino citait tout à l’heure le nom, et qui fut longtemps surintendant de la chapelle impériale, venait de faire représenter son opéra des Bardes. L’étrangeté des mélodies, le coloris antique et l’accent grave des harmonies de Lesueur se trouvaient là parfaitement motivés.

On sait quelle était la prédilection de Napoléon pour les poëmes de Macpherson, attribués à Ossian ; le musicien qui venait de leur donner une vie nouvelle, ne pouvait manquer