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enfin..... ceci donne encore beaucoup à réfléchir. Elles disparaissent dans un champ du blé presque aussi haut, aussi droit, aussi flexible que leur taille est haute, flexible et droite. On réfléchit énormément, on réfléchit avec fureur. Mais les deux cloches discordantes envoient un second et dernier appel, et l’on se dit : Bah ! allons à vêpres. On arrive enfin sur une colline en mamelon, au sommet de laquelle est fort pittoresquement plantée une charmante église gothique, point trop neuve, mais point trop dégradée non plus ; un très-beau vitrail ; tout autour une pelouse assez peu écorchée ; on voit que le populaire n’y afflue que rarement. Point d’immondices, point de croquis impurs ; trois mots seulement écrits d’une façon discrète dans un coin : Lucien, Louise, toujours !

On est tout troublé. Cette église de roman…… son isolement..... la paix qui l’environne.... le merveilleux paysage qui se déroule à ses pieds.... on sent s’agiter le premier amour depuis longtemps couché au fond du cœur et qui se réveille ; votre dix-huitième année se relève à l’horizon. On cherche dans l’air une forme évanouie…… L’orgue joue : une simple mélodie vous arrive au travers des murs de l’église. On essuie son œil droit et on se dit encore : Bah ! allons à vêpres ; et on entre.

Une trentaine de femmes et d’enfants endimanchés. Le curé, le vicaire et les chantres dans le chœur. Tons chantent faux à faire carier des dents d’hippopotame. L’organiste ne sait pas l’harmonie ; il entremêle toutes ses phrases de petites broderies vermiculaires d’un style affreux. On supporte quelque temps néanmoins l’exécution barbare du psaume In exitu Israel de Ægypto, et la persistance de cette mélancolique psalmodie dans le mode mineur, revenant toujours la même sur chaque strophe, finit par endormir vos douleurs d’oreille et ramener la rêverie. Cette fois, ce sont des rêves d’art qui vous absorbent. On se dit qu’il serait beau d’avoir à soi cette charmante église, où la musique s’installerait avec ses prestiges les plus doux, où elle pourrait chanter avec tant de bonheur ses hymnes, ses idylles, ses poëmes d’amour ; où elle pourrait prier, songer, évoquer le passé, pleurer et sourire, et