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— Flanquons-lui une danse. » Là-dessus la tempête se change en ouragan effroyable, en véritable raz-de-marée ; les vagues se ruent les unes sur les autres avec un fracas inouï, une rage incroyable, on dirait d’une trombe, d’une typhon. Et le public d’admirer ce beau désordre, effet de la politique, et de se récrier sur le rare talent des machinistes de l’Opéra. Fort heureusement, la pièce étant finie, le rideau de l’avant-scène est tombé, et on est parvenu à grand’peine, en roulant la mer sur une longue perche, à mettre fin à cette séance de représentants sous-marins.

— Oh ! oh ! disent les musiciens en éclatant de rire, c’est là ce que vous appelez analyser un opéra ? — Patience, messieurs, reprend Corsino, voici qui est plus fort. C’est toujours notre bienveillant critique qui parle.

ANALYSE DE DILETTA

Opéra-comique en trois actes.

Lundi 22 juillet 1850.

Il est fort triste de s’occuper d’opéras-comiques le lundi, par cette raison seule que le lundi est le lendemain du dimanche. Or, le dimanche, on va au chemin de fer du Nord, on monte dans un wagon et on lui dit : « Mène-moi à Enghien. » En descendant de l’obéissant véhicule vous trouvez de vrais amis, des amis solides, de ceux dont on ne sait pas très-bien le nom, mais qui n’accolent pas au vôtre d’épithète trop injurieuse quand vous avez le dos tourné et qu’on leur demande qui vous êtes.

Et la conversation s’engage dans la forme traditionnelle : « Tiens, c’est vous ! — Pas mal, et vous ? — Moi, je vais louer un bateau et pêcher dans le lac, et vous ? — Oh ! moi, je suis un pauvre pêcheur, et je vais à vêpres. J’étais hier à l’Opéra-Comique ; et vous ? — Moi, je suis vertueux, et dans la crainte de ne pas m’éveiller assez tôt pour voir l’aurore se lever aujourd’hui, je me suis privé hier de la représentation en