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qu’elle a brillé d’un éclat plus éblouissant. Et voilà pourquoi non-seulement les œuvres des grands virtuoses inventeurs perdent plus ou moins à n’être pas exécutées par leur auteur, mais celles aussi des grands compositeurs originaux et expressifs ne conservent qu’une partie de leur puissance quand l’auteur ne préside pas à leur exécution.

L’orchestre de Paganini est brillant et énergique sans être bruyant. Il employait la grosse caisse dans ses tutti et souvent avec une intelligence peu commune. Dans la prière de Moïse, Rossini l’a écrite, comme il l’a fait partout ailleurs, en lui faisant frapper les temps forts tout bonnement. Paganini, en composant sa fantaisie sur le même thème, s’est bien gardé de l’imiter en cela. Au début de la mélodie :

Del tuo stellato soglio,

Rossini frappe sur l’avant-dernière syllabe qui se trouve au temps fort ; mais Paganini, considérant l’accent mélodique placé sur la syllabe suivante comme incomparablement plus important, fait entrer l’instrument sur le temps faible où elle se trouve, et l’effet qui résulte de ce changement est, selon moi, bien meilleur et original.

Un jour qu’après avoir complimenté Paganini sur ce morceau, quelqu’un ajoutait : « Il faut avouer aussi que Rossini vous a fourni là un bien beau thème ! C’est égal, répliqua Paganini, il n’a pas trouvé mon coup de grosse caisse. »

Il me serait fort difficile d’entrer plus avant dans l’analyse des œuvres de cet artiste-phénomène, œuvres toutes d’inspiration, et où il faut voir principalement la manifestation écrite de ses merveilleuses facultés de virtuose. D’ailleurs… ces souvenirs ce soir…

— Et vous ne l’avez jamais entendu, me dit Corsino ? — Jamais..... Adieu, messieurs.