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violon ? — Oui, mon garçon, j’en ai entendu parler. — Eh bien ! monsieur, c’est là qu’il a demeuré pendant trois semaines, après sa mort. »

Il paraît qu’en effet, son corps fut déposé dans ce pavillon pendant le long débat qui s’éleva entre son fils et l’évêque de Gênes, débat qui, pour l’honneur du clergé génois et piémontais, n’eût pas dû se prolonger autant, et dont les causes, au point de vue même de l’orthodoxie la plus sévère, n’avaient point la gravité qu’on a voulu leur donner, car Paganini mourut presque subitement.

La nuit qui suivit cette promenade à Villa-Franca, je dormais dans la tour des Ponchettes, appliquée comme un nid d’hirondelle contre un rocher à deux cents pieds au-dessus de la mer, quand les sons d’un violon, jouant les variations de Paganini sur le Carnaval de Venise, s’élevèrent jusqu’à mon réduit, paraissant sortir des ondes. Je rêvais justement en ce moment à celui dont le jeune pêcheur m’avait montré, dans la journée, la villa mortuaire… je m’éveillai brusquement… j’écoutai quelque temps avec un sourd battement de cœur… Mes idées au lieu de s’éclaircir devenaient de plus en plus confuses..... le Carnaval de Venise !..... qui donc, excepté lui, pourrait savoir ces variations ? Est-ce encore un adieu d’outre-tombe qu’il m’adresse ?…

Supposez Théodore Hoffmann à ma place : quelle touchante et fantastique élégie il eût écrite sur ce bizarre incident !

C’était M. de Césole, qui, seul au pied de la tour, me donnait une gracieuse sérénade.

Ces fameuses variations sur l’air vénitien font partie des œuvres de Paganini que l’éditeur Schonenberger a récemment publiées à Paris ; et je crois devoir affirmer ici en passant que celles d’Ernst sur le même thème, qu’on l’a souvent accusé d’avoir calquées sur celles de Paganini, ne leur ressemblent nullement.

Parmi les autres œuvres du maître que l’éditeur français vient de livrer à l’avide curiosité des artistes, on regrette de ne pas voir la fantaisie sur la prière de Moïse, l’un des morceaux, dit-on, dans lesquels Paganini produisait les plus