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Faut-il parler de la marche triomphale et religieuse d’Olympie, du chœur des prêtres de Diane consternés quand la statue se voile, de la scène et de l’air extraordinaires où Statira, sanglotante d’indignation, reproche à l’hiérophante de lui avoir présenté pour gendre l’assassin d’Alexandre ; de la marche en chœur du cortège de Telasco, dans Cortez encore : « Quels sons nouveaux, » la première et la seule à trois temps qu’on ait jamais faite ; de la bacchanale de Nurmahal ; de ces innombrables récitatifs beaux comme les plus beaux airs, et d’une vérité d’accent à désespérer les maîtres les plus habiles ; de ces morceaux lents pour la danse, qui, par les rêveuses et molles inflexions de leur mélodie, évoquent le sentiment de la volupté en le poétisant ?… Je me perds dans les méandres de ce grand temple de la Musique expressive, dans les mille détails de sa riche architecture, dans l’éblouissant fouillis de ses ornements.

La foule inintelligente, frivole ou grossière, l’abandonne aujourd’hui et refuse ou néglige d’y sacrifier ; mais pour quelques-uns, artistes et amateurs, plus nombreux encore qu’on ne paraît le croire, la déesse à laquelle Spontini éleva ce vaste monument est toujours si belle, que leur ferveur ne s’attiédit point. Et je fais comme eux ; je me prosterne et je l’adore.

— Et nous tous aussi, disent les musiciens en se levant pour sortir, nous l’adorons, croyez-le bien. — Je le sais, messieurs, et c’est parce que j’en suis convaincu que je me suis ainsi livré devant vous à ma passion admirative. On n’expose des idées pareilles et de si vifs sentiments que devant un auditoire qui les partage. Adieu, messieurs !