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Milton, celle où le poëte aveugle déplore le malheur qui le prive à jamais de la contemplation des merveilles de la nature, et celle où Milton dicte à sa fille ses vers sur la création d’Ève et son apparition au milieu des calmes splendeurs de l’Éden. De là enfin la prodigieuse et soudaine explosion du génie de Spontini dans la Vestale, cette pluie d’ardentes idées, ces larmes du cœur, ce ruissellement de mélodies nobles, touchantes, fières, menaçantes, ces harmonies si chaudement colorées, ces modulations alors inouïes au théâtre, ce jeune orchestre, cette vérité, cette profondeur dans l’expression (j’y reviens toujours), et ce luxe de grandes images musicales présentées si naturellement, imposées avec une autorité si magistrale, étreignant la pensée du poëte avec tant de force qu’on ne conçoit pas que les paroles auxquelles elles s’adaptent aient jamais pu en être séparées.

Il y a, non pas des fautes involontaires, mais quelques duretés d’harmonie faites avec intention dans Cortez ; je ne vois que de très-magnifiques hardiesses en ce genre dans Olympie. Seulement, l’orchestre si richement sobre de la Vestale se complique dans Cortez, et se surcharge de dessins divers et inutiles dans Olympie, au point de rendre parfois l’instrumentation lourde et confuse.

Spontini avait un certain nombre de pensées mélodiques pour toutes les expressions nobles : une fois que le cercle d’idées et de sentiments auxquels ces mélodies étaient prédestinées fut parcouru, leur source devint moins abondante ; et voilà pourquoi on ne trouve pas autant d’originalité dans le style méthodique des œuvres à la fois héroïques et passionnées qui ont succédé à la Vestale et à Cortez. Mais qu’est-ce que ces vagues réminiscences, comparées au cynisme avec lequel certains maîtres italiens reproduisent les mêmes cadences, les mêmes phrases et les mêmes morceaux dans leurs innombrables partitions ? L’orchestration de Spontini, dont on trouve déjà l’embryon et les procédés dans Milton et dans Julie, fut une invention pure ; elle ne procède d’aucune autre. Son coloris spécial est dû à un emploi des instruments à vent, sinon très-habile au point de vue technique, au moins