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pouvait soutenir le rôle de Statira, qu’elle joua seulement à la première représentation pour son bénéfice de retraite ; et tout fut dit. Spontini, l’âme ulcérée par d’autres actes d’hostilité qu’il serait trop long de raconter ici, repartit pour Berlin, où sa position était digne, sous tous les rapports, et de lui-même et du souverain qui avait su l’apprécier.

A son retour en Prusse, il écrivit pour les fêtes de la cour un opéra-ballet, Nurmahal, dont le sujet est emprunté au poëme de Thomas Moore, Lalla-Rouk. C’est dans cette partition gracieuse qu’il plaça, en la développant et en y ajoutant un chœur, sa terrible bacchanale des Danaïdes. Il refit ensuite la fin du dernier acte de Cortez. Ce dénoûment nouveau, qu’on n’a pas daigné accueillir à l’Opéra de Paris, quand Cortez fut repris il y a six ou sept ans, et que j’ai vu à Berlin, est magnifique et fort supérieur à celui que l’on connaît en France. En 1825, Spontini donna à Berlin l’opéra-féerie d’Alcidor, dont les ennemis de l’auteur se moquèrent beaucoup, à cause du fracas instrumental qu’il y avait introduit, disaient-ils, et d’un orchestre d’enclumes dont il avait accompagné un chœur de forgerons. Cet ouvrage m’est entièrement inconnu. J’ai pu en revanche parcourir la partition d’Agnès de Hohenstaufen, qui succéda à Alcidor au bout de douze ans. Ce sujet dit romantique comportait un style entièrement différent des divers styles employés jusque-là par Spontini. Il y a introduit pour les morceaux d’ensemble des combinaisons fort curieuses et très-ardues, telles, entre autres, que celle d’un orage d’orchestre exécutée pendant que cinq personnages chantent sur la scène un quintette, et qu’un chœur de nonnes se fait entendre au loin accompagné des sons d’un orgue factice. Dans cette scène, l’orgue est imité jusqu’à produire la plus complète illusion, par un petit nombre d’instruments à vent et de contre-basses placés dans la coulisse. Aujourd’hui, que l’on trouve autant d’orgues dans les théâtres que dans les églises, cette imitation, intéressante au point de vue de la difficulté vaincue, peut sembler sans but. Il faut enfin compter, pour clore la liste des productions de Spontini, son Chant du peuple prussien et divers morceaux de musique destinés aux bandes militaires.