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C’est beau, c’est vrai, c’est neuf, c’est sublime ! Si la musique n’était pas abandonnée à la charité publique, on aurait quelque part en Europe un théâtre, un panthéon lyrique, exclusivement consacré à la représentation des chefs-d’œuvre monumentaux, où ils seraient exécutés à longs intervalles, avec un soin et une pompe dignes d’eux, par des artistes, et écoutés aux fêtes solennelles de l’art par des auditeurs sensibles et intelligents.

»Mais, partout à peu près, la musique, déshéritée des prérogatives de sa noble origine, n’est qu’une enfant trouvée qu’on semble vouloir contraindre à devenir une fille perdue.

»Adieu, cher maître, il y a la religion du beau, je suis de celle-là ; et si c’est un devoir d’admirer les grandes choses et d’honorer les grands hommes, je sens, en vous serrant la main, que c’est de plus un bonheur. »

Ce fut un an après l’apparition de Fernand Cortez que Spontini fut nommé directeur du Théâtre-Italien. Il avait réuni une troupe excellente, et c’est à lui que l’on dut d’entendre pour la première fois, à Paris, le Don Giovanni de Mozart. Les rôles étaient ainsi distribués : don Giovanni, Tacchinardi ; Leporello, Barilli ; Mazetto, Porto ; Ottavio, Crivelli ; donna Anna, madame Festa ; Zerlina, madame Barilli.

Néanmoins, malgré les services éminents que Spontini rendait à l’art dans sa direction du Théâtre-Italien, une intrigue, d’une espèce assez vulgaire, l’obligea bientôt a l’abandonner. Paër, d’ailleurs, dirigeant à la même époque le petit théâtre italien de la cour, et peu charmé des succès de son rival sur la vaste scène de l’Opéra, affectait de le dénigrer, le traitait de renégat, l’appelant pour le franciser M. Spontin et le faisait en mainte circonstance tomber dans ces piéges que le signor Astucio, on le sait, tendait si bien.

Redevenu libre, Spontini écrit un opéra de circonstance, Pélage ou le Roi de la Paix, aujourd’hui oublié ; puis les Dieux rivaux, opéra-ballet, en société avec Persuis, Berton et Kreutzer. Lors de la reprise des Danaïdes, Salieri, trop vieux pour quitter Vienne, lui confia le soin de diriger les études de son ouvrage, en l’autorisant à y faire les changements et les