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et par les cinq partitions de Gluck. La vieille gloire du compositeur allemand n’avait de rivale sur notre première scène lyrique que la jeune gloire du maître italien. Tel était le motif de la haine que lui portait l’école dirigée par des musiciens dont les tentatives pour régner à l’Opéra avaient été infructueuses.

On n’eût jamais pu venir à bout, disait-on, de représenter la Vestale, sans les corrections que des hommes savants voulurent bien faire à cette monstrueuse partition pour la rendre exécutable ! etc., etc. De là les prétentions risibles d’une foule de gens au mérite d’avoir retouché, corrigé, épuré l’œuvre de Spontini. Je connais, pour ma part, quatre compositeurs qui passent pour y avoir mis la main. Quand ensuite le succès de la Vestale fut bien assuré, irrésistible et incontestable, on alla plus loin : il ne s’agissait plus de corrections seulement, mais bien de morceaux entiers que chacun des correcteurs aurait composés pour elle ; l’un prétendait avoir fait le duo du second acte, l’autre la marche funèbre du troisième, etc. Il est singulier que, dans le nombre considérable de duos et de marches écrits par ces illustres maîtres, on ne puisse trouver de morceaux de ce genre ni de cette hauteur d’inspiration !..... Ces messieurs auraient-ils poussé le dévouement jusqu’à faire présent à Spontini de leurs plus belles idées ? une telle abnégation passe les bornes du sublime !.... enfin on en vint à cette version longtemps admise dans les limbes musicales de France et d’Italie : Spontini n’était pas du tout l’auteur de la Vestale. Cette œuvre, écrite au rebours du bon sens, corrigée par tout le monde, sur laquelle avaient frappé sans relâche pendant si longtemps les anathèmes scolastiques et académiques, cette œuvre indigeste et confuse, Spontini n’eût pas même été capable de la produire ; il l’avait achetée toute faite chez un épicier ; elle était due à la plume d’un compositeur allemand mort de misère à Paris, Spontini n’avait eu qu’à arranger les mélodies de ce malheureux musicien sur les paroles de M. de Jouy, et à ajouter quelques mesures pour l’enchaînement des scènes. Il faut convenir qu’il les a habilement arrangées, on jurerait que chaque note a été écrite pour la parole à laquelle elle est unie. M. Castil-Blaze lui-même n’est pas encore allé jusque-là.