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Eh quoi ! je vis encore !……… Qu’on me mène à la mort !……… Le trépas m’affranchit de ton autorité !……… Prêtres de Jupiter, je confesse que j’aime !……… Est-ce assez d’une loi pour vaincre la nature !……… Vous ne le saurez pas………

A cette dernière réponse de Julia à la question du pontife, les foudres de l’orchestre éclatent avec fracas, on sent qu’elle est perdue, que la touchante prière que la malheureuse vient d’adresser à Latone ne la sauvera pas. Le récitatif mesuré : Le temps finit pour moi, est un chef-d’œuvre de modulation, eu égard à ce qui précède et à ce qui suit. Le grand prêtre a terminé sa phrase dans le ton de mi majeur, qui sera bientôt celui du chœur final. Le chant de la Vestale s’éloignant peu à peu de cette tonalité, va faire repos sur la dominante d’ut mineur ; alors, les altos commencent seuls une sorte de trémolo sur le si que l’oreille prend pour la note sensible du ton établi en dernier lieu, et amènent, par ce même si, qui va redevenir tout d’un coup la note dominante, l’explosion des instruments de cuivre et des timbales dans le ton de mi majeur qui vibre de nouveau avec un redoublement de sonorité, comme ces lueurs qui, la nuit, reparaissent plus éblouissantes quand un obstacle les a pour instant dérobées à nos yeux. Pour l’anathème, maintenant, sous lequel le pontife abîme sa victime, autant que pour la stretta, toute description est aussi impuissante qu’inutile pour quiconque ne les a pas entendus. C’est là surtout qu’on reconnaît la puissance de cet orchestre de Spontini, qui, malgré les développements variés de l’instrumentation moderne, est resté debout, majestueux, beau de formes, drapé à l’antique et brillant comme au jour où il jaillit tout armé du cerveau de son auteur. On palpite avec douleur sous les incessantes répercussions du rhythme impitoyable du double chœur syllabique des prêtres, contrastant avec la gémissante mélodie des vestales éplorées. Mais la divine angoisse de l’auditeur ne parvient à son comble qu’à l’endroit où abandonnant l’emploi du rhythme précipité, les instruments et les voix, les uns en sons