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naquit ensuite une vive affection pour sa personne. — On dit qu’il était d’une sévérité pour ses exécutants qui passe toute croyance ! — On vous a trompé sous un certain rapport ; je l’ai vu souvent complimenter des chanteurs médiocres. Mais il était impitoyable pour les chefs d’orchestre, et rien ne le tourmentait aussi violemment que les mouvements de ses compositions pris à contre-sens. Un jour, dans une ville d’Allemagne que je ne veux pas nommer, il assistait à une représentation de Cortez, dirigée par un homme incapable ; au milieu du second acte, la torture qu’il ressentait devint telle, qu’il eut une attaque de nerfs et qu’on fut obligé de l’emporter.

« Soyez bon, faites-nous de lui une esquisse biographique. Sa vie doit avoir été fort agitée et offrir plus d’un enseignement.

— Je n’ai rien à vous refuser, messieurs, mais la vie de ce maître, bien qu’agitée en effet, ne contient rien de précisément romanesque. Vous allez en juger. »

Le 14 novembre 1779, naquit à Majolati, près de Jesi, dans la Marche d’Ancône, un enfant nommé Gaspard Spontini. Je ne dirai pas de lui ce que les biographes répètent sans se lasser en racontant la vie des artistes célèbres : « Il manifesta de très bonne heure des dispositions extraordinaires pour son art. Il avait à peine six ans, qu’il produisait déjà des œuvres remarquables, etc., etc. » Non, certes, mon admiration pour son génie est trop réfléchie pour employer à son égard les banalités de la louange vulgaire. On n’ignore pas d’ailleurs ce que sont en réalité les chefs-d’œuvre des enfants prodiges, et de quel intérêt il eût été, pour la gloire de ceux qui sont ensuite devenus des hommes, que l’on détruisît dès leur apparition les ébauches ridicules de leur enfance tant prônée. Tout ce que je sais sur les premières années de Spontini, pour l’avoir entendu raconter par lui-même, se borne à quelques faits que je vais reproduire sans y attacher plus d’importance qu’ils n’en méritent.

Il avait douze ou treize ans quand il se rendit à Naples pour entrer au Conservatoire della Pietà. Fut-ce d’après le désir de l’enfant que ses parents lui ouvrirent les portes de cette