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une grande feuille brune qui portait en tête : Académie impériale de musique et faillit tomber sur le pavé en lisant enfin le nom tant désiré : la Vestale.

A peine Adolphe eut-il jeté les yeux sur l’affiche qui lui annonçait la Vestale pour le lendemain, qu’une sorte de délire s’empara de lui. Il commença une folle course dans les rues de Paris, se heurtant contre les angles des maisons, coudoyant les passants, riant de leurs injures, parlant, chantant, gesticulant comme un échappé de Charenton.

Abîmé de fatigue, couvert de boue, il s’arrêta enfin dans un café, demanda à dîner, dévora sans presque s’en apercevoir, ce que le garçon avait mis devant lui et tomba dans une tristesse étrange. Saisi d’un effroi dont il ne pouvait pas bien démêler la cause, en présence de l’événement immense qui allait s’accomplir pour lui, il écouta quelque temps les rudes battements de son cœur, pleura, et, laissant tomber sa tête amaigrie sur la table, s’endormit profondément. La journée du lendemain fut plus calme ; une visite à Persuis en abrégea la durée. Celui-ci, en voyant Adolphe, lui remit une lettre avec le timbre d’administration de l’Opéra ; c’était sa nomination à la place de second violon. Adolphe remercia son protecteur, mais sans empressement ; cette faveur qui, dans un autre moment, l’eût comblé de joie, n’était plus à ses yeux qu’un accessoire de peu d’intérêt ; quelques minutes après, il n’y songeait plus. Il évita de parler à Persuis de la représentation qui devait avoir lieu le soir même ; un pareil sujet de conversation eût ébranlé jusqu’aux fibres les plus intimes de son cœur ; il l’épouvantait. Persuis, ne sachant trop que penser de l’air singulier et des phrases incohérentes du jeune homme, s’apprêtait à lui demander le motif de son trouble ; Adolphe, qui s’en aperçut, se leva aussitôt et sortit. Quelques tours devant l’Opéra, une revue des affiches qu’il fit pour se bien assurer qu’il n’y avait point de changement dans le spectacle, ni dans le nom des acteurs, l’aidèrent à atteindre le soir de cette interminable journée. Six heures sonnèrent enfin. Vingt minutes après, Adolphe était dans sa loge ; car, pour être moins troublé dans son admiration extatique et pour