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Un cheval ! un cheval ! mon royaume pour un cheval ! s’écriait Richard III. Adolphe eût donné la terre entière pour pouvoir à l’instant même quitter Lyon au galop. Il respirait à peine en lisant ces lignes ; ses artères battaient dans son cerveau à le rendre sourd ; il avait la fièvre. Force lui fut cependant d’attendre le départ de la lourde voiture, si improprement nommée diligence, où sa place était retenue pour le lendemain. Pendant les quelques heures qu’il dut passer à Lyon, Adolphe n’eut garde d’entrer dans un théâtre. En toute autre occasion, il s’en fût empressé ; mais, certain aujourd’hui d’entendre bientôt le chef-d’œuvre de Spontini dignement exécuté, il voulait jusque-là rester vierge et pur de tout contact avec les muses provinciales. On partit enfin. D***, enfoncé dans un coin de la voiture, perdu dans ses pensées, gardait une farouche attitude, ne prenant aucune part au caquetage de trois dames fort attentives à entretenir avec deux militaires une conversation suivie. On parla de tout comme à l’ordinaire ; et, quand vint le tour de la musique, les mille et une absurdités débitées à ce sujet purent à peine arracher à Adolphe ce laconique aparté : « Bécasses ! » Il fut obligé pourtant, le lendemain, de répondre aux questions que la plus âgée des femmes s’avisa de lui adresser. Impatientées toutes les trois du mutisme obstiné du jeune voyageur et des sourires sardoniques qui se dessinaient de temps en temps sur ses traits, elles avaient décidé qu’il parlerait et qu’on saurait le but de son voyage.

« Monsieur va à Paris sans doute ?

— Oui, madame.

— Pour étudier le droit ?

— Non, madame.

— Ah ! monsieur est étudiant en médecine ?

— Vous vous trompez, madame. »

L’interrogatoire finit là pour cette fois, mais il recommença le jour suivant avec une insistance bien propre à faire perdre patience à l’homme le plus endurant.

« Il paraît que monsieur va entrer à l’École polytechnique.