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pourquoi, d’aborder dans la conversation les points de doctrine musicale sur lesquels un vague instinct l’avertissait qu’il y aurait eu entre eux une divergence trop marquée. Il ne fallait pas moins qu’un blasphème affreux, comme celui qui lui avait fait mettre à la porte un de ses élèves, pour détruire l’équilibre existant dans le cœur d’Adolphe entre son violent amour et ses convictions d’art despotiques et passionnées. Et ce blasphème, les jolies lèvres d’Hortense le laissèrent échapper.

C’était par une belle matinée d’automne ; Adolphe, aux pieds de sa maîtresse savourait ce bonheur mélancolique, cet accablement délicieux qui succède aux grandes crises de voluptés. L’athée lui-même, en de pareils instants, entend au dedans de lui s’élever une hymne de reconnaissance vers la cause inconnue qui lui donna la mort ; la mort rêveuse et calme comme la nuit, suivant la belle expression de Moore, est alors le bien auquel on aspire, le seul que nos yeux, voilés de pleurs célestes, nous laissent entrevoir, pour couronner cette ivresse surhumaine. La vie commune, la vie sans poésie, sans amour, la vie en prose, où l’on marche au lieu de voler, où l’on parle au lieu de chanter, où tant de fleurs aux couleurs brillantes sont sans parfum et sans grâce, où le génie n’obtient que le culte d’un jour et des hommages glacées, où l’art trop souvent contracte d’indignes alliances ; la vie enfin, se présente alors sous un aspect si morne, si désert et si triste, que la mort, fût-elle dépourvue du charme réel que l’homme noyé dans le bonheur lui trouve, serait encore pour lui désirable, en lui offrant un refuge assuré contre l’existence insipide qu’il redoute par-dessus tout.

Perdu en de telles pensées, Adolphe tenait une des mains délicates de son amie, imprimant sur chaque doigt de petites morsures qu’il effaçait par des baisers sans nombre ; pendant que, de son autre main, Hortense bouclait en fredonnant les noirs cheveux de son amant.

En écoutant cette voix si pure, si pleine de séductions, une tentation irrésistible le saisit à l’improviste.

« Oh ! dis-moi l’élégie de la Vestale, mon amour, tu sais :