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Le mélange de flatterie et de fatuité, le ton à la fois dégagé et engageant de cette lettre, excitèrent la curiosité de D***, et, au lieu d’y répondre par écrit, il résolut d’aller en personne remercier la Parisienne de sa confiance, l’assurer qu’elle ne le surprenait nullement, et lui apprendre que, sur le point de partir lui-même pour Paris, il ne pouvait entreprendre la tâche, fort agréable sans doute, qu’elle lui proposait. Ce petit discours, répété d’avance avec le ton d’ironie qui lui convenait, expira sur les lèvres de l’artiste au moment où il entra dans le salon de l’étrangère. La grâce originale et mordante d’Hortense, sa mise élégante et recherchée, ce je ne sais quoi enfin qui fascine dans la démarche, dans tous les mouvements d’une beauté de la Chaussée-d’Antin, produisirent tout leur effet sur Adolphe. Au lieu de railler, il commençait à exprimer sur son prochain départ des regrets dont le son de sa voix et le trouble de son visage décelaient la sincérité, quand madame N***, en femme habile, l’interrompit :

« Vous partez, monsieur ? J’ai donc été bien inspirée de ne pas perdre de temps. Puisque c’est à Paris que vous allez, commençons nos leçons pendant le peu de jours qui vous restent ; immédiatement après la saison des eaux, je retourne dans la capitale, où je serai charmée de vous revoir et de profiter alors plus librement de vos conseils. »

Adolphe, heureux intérieurement de voir les raisons par lesquelles il avait motivé son refus si facilement détruites, promit de commencer le lendemain, et sortit tout rêveur. Ce jour-là, il ne pensa pas à la Vestale.

Madame N*** était une de ces femmes adorables (comme on dit au café de Paris, chez Tortoni et dans trois ou quatre autres foyers de dandysme) qui, trouvant délicieusement originales leurs moindres fantaisies, pensent que ce serait un meurtre de ne pas les satisfaire, et professent en conséquence une sorte de respect pour leurs propres caprices, quelque absurdes qu’ils soient.

« Mon cher Fr***, disait, il y a quelques années, une de ces charmantes créatures à un dilettante célèbre, vous connaissez Rossini, dites-lui donc de ma part que son