Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée

lui un sujet précieux, malgré la misère affreuse où l’allait réduire une destitution, le directeur, pour venger l’injure du public, se vit forcé de le congédier.

D***, contre l’ordinaire des caractères de sa trempe, avait des goûts fort peu dispendieux. Quelques épargnes, faites sur les appointements de sa place et les leçons qu’il avait données jusqu’à cette époque, assurant pour trois mois au moins son existence, amortirent le coup de cette destitution et la lui firent même envisager comme un événement qui pouvait exercer une influence favorable sur sa carrière d’artiste, en le rendant à la liberté. Mais le charme principal de cette délivrance inattendue venait d’un projet de voyage que D*** roulait dans sa tête, depuis que le génie de Spontini lui était apparu. Entendre la Vestale à Paris, tel était le but constant de son ambition. Le moment d’y atteindre paraissait arrivé, quand un incident, que notre enthousiaste ne pouvait prévoir, vint y mettre obstacle. Né avec un tempérament de feu, des passions indomptables, Adolphe cependant était timide auprès des femmes, et, à part quelques intrigues fort peu poétiques avec les princesses de son théâtre, l’amour furieux, dévorant, l’amour frénésie, le seul qui pût être le véritable pour lui, n’avait point ouvert encore de cratère dans son cœur. En rentrant un soir chez lui, il trouva le billet suivant :

« Monsieur,

»S’il vous était possible de consacrer quelques heures à l’éducation musicale d’une élève, assez forte déjà pour ne pas mettre votre patience à de trop rudes épreuves, je serais heureuse que vous voulussiez bien en disposer en ma faveur. Vos talents sont connus et appréciés, beaucoup plus peut-être que vous ne le soupçonnez vous-même ; ne soyez donc pas surpris si, à peine arrivée dans votre ville, une Parisienne s’empresse de vous confier la direction de ses études dans le bel art que vous honorez et comprenez si bien.

»Hortense N***. »