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maintenant assez avancée ; ne te contrains point, sois sublime et je réponds de tout. Tu m’engages à méditer sur un ingénieux dessin de Charlet ; je te recommande, moi, la fable du Charretier embourbé de la Fontaine. Relis-en la fin surtout :

« Hercule veut qu’on se remue,
Puis il aide les gens. Regarde d’où provient
L’achoppement qui te retient ;
Ote d’autour de chaque roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui, jusqu’à l’essieu, les enduit.
Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit,
Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? — Oui, dit l’homme. —
Or bien je vais t’aider, dit la voix ; prends ton fouet. —
Je l’ai pris… Qu’est ceci ? mon char marche à souhait !
Hercule en soit loué ! » Lors la voix : « Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.
Aide-toi, le ciel t’aidera. »

« Eh bien, qu’en dites-vous ? me dit Winter en riant. » Je dis que la brochure, si pleine de bouffonnes et tristes vérités qu’elle soit, n’aura pas produit à Paris plus d’effet que mes révélations de la nuit dernière n’en produiraient, si elles étaient imprimées. A Paris, on laisse tout dire, parce qu’on peut ne tenir compte de rien. La critique passe, l’abus reste. Les mots piquants, les raisons, les justes plaintes, glissent sur l’esprit des gens comme des gouttes d’eau sur les plumes d’un canard....

« Eh ! messieurs, qu’a donc votre cappel meister à frapper de la sorte sur son pupitre ? — Le ténor voudrait ralentir le mouvement de ce duo, et lui ne le veut pas. Il a du bon, notre chef. — Je m’en aperçois. Mais savez-vous que ces coups de bâton qu’il donne épisodiquement ce soir, sont d’un usage continuel à l’Opéra de Paris ? — Bah ? — Oui. Et leur effet est d’autant plus désastreux que les chefs d’orchestre frappent, non sur leur pupitre, mais sur le haut de la carapace du souffleur placée au-devant d’eux, ce qui donne à chaque coup