Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

beaucoup se sont endormis ; les philosophes touchent leurs appointements et parodient en riant le mot de Mazarin : « L’Opéra ne chante pas, mais il paye. » L’orchestre seul donne beaucoup de peine à l’Opéra pour le réduire. La plupart de ses membres, étant des virtuoses de premier ordre, font partie du célèbre orchestre du Conservatoire ; ils se trouvent ainsi naturellement en contact avec l’art le plus pur et un public d’élite ; de là les idées qu’ils conservent et la résistance qu’ils opposent aux efforts qui tendent à les asservir. Mais, avec du temps et de mauvais ouvrages, il n’y a pas d’organisation musicale dont on ne parvienne à briser l’élan, à éteindre le feu, à détruire la vigueur, à ralentir la fière allure. « Ah ! vous raillez mes chanteurs, leur dit souvent l’Opéra, vous vous moquez de mes partitions nouvelles, messieurs les habiles ! Je saurai bien vous mettre à la raison, voici un ouvrage en une foule d’actes dont vous allez savourer les beautés. Trois répétitions générales suffiraient pour le monter, c’est du style d’antichambre, vous en ferez douze ou quinze ; j’aime qu’on se hâte lentement. Vous le jouerez une dizaine de fois, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il n’attire plus personne, et nous passerons à un autre du même genre et d’un mérite égal. Ah ! vous trouvez cela fade, commun, froid et plat ! J’ai l’honneur de vous présenter un opéra plein de de galops et fait en poste, que vous voudrez bien étudier avec le même amour que le précédent, et dans quelque temps vous en aurez un autre d’un compositeur qui n’a jamais rien composé, et qui vous déplaira, je l’espère, bien davantage encore. Vous vous plaignez que les chanteurs sortent du ton et de la mesure ; ils se plaignent, eux, de la rigueur de vos accompagnements ; vous devrez, à l’avenir, assoupir votre rhythme, attendre sur n’importe quelle note qu’ils aient fini de gonfler leur son favori, et leur accorder des temps supplémentaires pour la respiration. Maintenant, voici un ballet qui doit durer de neuf heures jusqu’à minuit. Il faut de la grosse caisse partout ; j’entends que vous luttiez contre elle et que vous vous fassiez entendre quand même. Morbleu ! messieurs, il ne s’agit pas ici d’accompagnements, et je ne