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suis point coupable. D’ailleurs, madame Dorus-Gras et madame Widemann… — Oh ! ces dames n’auront rien dit sans doute ; mais il n’en est pas moins vrai qu’elles auront été fort mécontentes. — De quoi, s’il vous plaît ? — De ce que je n’avais pas été engagée. — Vous le croyez ? — J’en suis sûre. Mais ne récriminons pas là-dessus. Je venais, monsieur, vous prier de vouloir bien me recommander à MM. Roqueplan et Duponchel : mon intention serait d’entrer à l’Opéra. J’ai été attachée au Théâtre-Italien jusqu’à la saison dernière, et, certes, je n’ai eu qu’à me louer des excellents procédés de M. Vatel ; mais, depuis la révolution de Février…, vous comprenez qu’un pareil théâtre ne saurait me convenir. — Madame a sans doute de bonnes raisons pour se montrer sévère dans le choix de ses partenaires ; si j’osais émettre une opinion… — Inutile, monsieur, mon parti est pris, irrévocablement pris ; il m’est impossible, à aucunes conditions, de rester au Théâtre-Italien. Tout m’y est profondément antipathique ; les artistes, le public qui y vient, le public qui n’y vient pas ; et, quoique l’état actuel de l’Opéra ne soit guère brillant, comme mon fils et mes deux filles y ont été engagés l’an dernier par la nouvelle direction, à des conditions, je puis le dire, fort avantageuses, je serais bien aise d’y être admise, et je ne chicanerai pas sur les appointements. — Vous oubliez, je le vois, que MM. les directeurs de l’Opéra, n’ayant que des connaissances excessivement superficielles et un sentiment très-vague de la musique, ont naturellement au sujet de notre art des idées arrêtées, et qu’ils font, en conséquence, peu de cas des recommandations, des miennes surtout. Pourtant, veuillez me dire quel est votre genre de voix. — Je ne chante pas. — Alors, j’aurai bien moins de crédit encore, puisqu’il s’agit de danse. — Je ne danse pas. — C’est seulement parmi les dames marcheuses que vous désirez être admise ? — Je ne marche pas, monsieur, vous vous méprenez étrangement. (Souriant avec un peu d’ironie.) Je suis madame Rosenhain. — Parente du pianiste ? — Non, mais mesdames Persiani, Grisi, Alboni, MM. Mario et Tamburini, ont dû vous parler de moi, car j’ai, depuis six ans, pris une bien grande part à leurs triomphes. J’avais en un instant la