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ce pas, de ces poétiques imaginations ? En fait de tropiques, vous savez maintenant que les ardeurs du tropique du Cancer valent celles du tropique du Capricorne ; que les jeunes filles Comanches aux yeux de gazelle ont l’intelligence des oies du Canada ; que leur voix est rauque ; que leur peau, rude au toucher quand elle n’est pas graisseuse, a la couleur du fer rouillé ; que leur audace va jusqu’à égorger un enfant endormi ; que leur fidélité dure vingt-quatre heures ; que leur parfum, fort différent de celui de l’ananas, tue les moustiques, si cruels aux Européens. D’ailleurs, jeunes poëtes, l’Atala de Chateaubriand était une fille européenne blanche, et non point une femme sauvage ; on n’a pas vu davantage au Pérou de vierge semblable à la Cora de Marmontel ; l’Amazily de M. de Jouy, qui s’appelait Marine, au dire des compagnons de Cortez, fut une vraie virago ; elle mérita bien la torture dont les Astèques la menacèrent tant de fois, et, après avoir vécu six ou sept ans avec le ravageur de son pays, autrement dit le conquérant du Mexique, elle épousa un simple caporal de l’armée de ce grand homme. On assure même qu’elle a fini par porter le tonnelet d’eau-de-vie dans un régiment espagnol, et par mourir vieille vivandière.

C’est ainsi que la jeunesse, l’imagination, la naïveté de cœur, la fraîcheur des sens et des aspirations incompressibles vers le beau inconnu, fascinent certaines âmes et les entraînent à préparer à d’autres âmes d’amères déceptions. MM. Halévy, de Saint-Georges et Leuven, qui possèdent évidemment beaucoup de ces