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à la répétition ; je suis enchanté de vous être agréable. »

Le soir venu, l’orchestre rassemblé, notre homme se présente, et l’on commence à répéter son concerto. Selon l’usage fashionable de quelques virtuoses, il s’abstient de jouer sa partie, se bornant à faire répéter l’orchestre et à indiquer les mouvements. Le tutti principal, assez semblable à la marche des paysans du Freyschütz, parut fort grotesque aux assistants et inquiéta Dœlher. « Mais, disait celui-ci en sortant, la partie principale rachètera tout ; ce monsieur est probablement un habile virtuose ; on ne peut exiger qu’une grande clarinette soit en même temps un grand compositeur. »

Le lendemain, au concert, un peu intimidé par le triomphe éclatant de Dœlher, le clarinettiste entre en scène à son tour.

L’orchestre exécute le tutti, qui se terminait par un repos sur l’accord de la dominante, après lequel commençait le premier solo. « Tram, pam, pam, tire lire la ré la, » comme dans la marche du Freyschütz. Arrivé à l’accord de la dominante, l’orchestre s’arrête, le virtuose se campe sur la hanche gauche, avance la jambe droite, embouche son instrument, et tendant horizontalement ses deux coudes, fait mine de commencer. Ses joues se gonflent, il souffle, il pousse, il rougit ; vains efforts, rien ne sort du rebelle instrument. Il le présente alors devant son œil droit par le côté du pavillon ; il regarde dans l’intérieur comme il eût fait d’un té-