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premiers mots en me rencontrant furent : « Je suis des vôtres ! de quel instrument jouerai-je ? du violon, de la basse, de la clarinette ou de l’ophicléide ?

— Ah ! cher maître, on voit bien que vous ne me connaissez pas, vous jouerez du violon ; ai-je jamais trop de violons ? en a-t-on jamais assez ?

— Très-bien. Mais je vais être tout dépaysé au milieu de votre grand orchestre où je ne connais personne.

— Soyez tranquille, je vous présenterai. »

En effet, le lendemain, au moment de la répétition, je dis aux artistes réunis, en désignant mon maître :

« Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter un très-habile professeur de Vienne, M. Dorant ; il a parmi vous un élève reconnaissant ; cet élève c’est moi ; vous jugerez peut-être tout à l’heure que je ne lui fais pas grand honneur, cependant veuillez accueillir M. Dorant comme si vous pensiez le contraire et comme il le mérite. »

On peut se faire une idée de la surprise et des applaudissements. Dorant n’en fut que plus intimidé encore ; mais une fois plongé dans la symphonie, le démon musical le posséda tout entier ; bientôt je le vis rougir en s’escrimant de l’archet, et j’éprouvai à mon tour une singulière émotion en dirigeant la Marche au supplice et la Scène aux champs exécutées par mon vieux maître de guitare que je n’avais pas vu depuis vingt ans.

Les trompettes sont presque aussi rares à Lyon qu’à