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sainement des arts, parce qu’ils en parlent de sang-froid ; et surtout ces profanateurs qui osent porter la main sur les ouvrages originaux leur font subir d’horribles mutilations, appellent corrections et arrangemens[1] pour lesquels, disent-ils, il faut beaucoup de goût. Malédiction ! Quand je vois d’inutiles insectes venir s’abattre en bourdonnant sur les plus brillantes fleurs du riche domaine de l’imagination, je ne puis m’empêcher de les comparer à ces importuns oiseaux qui peuplent les jardins publics, se perchent avec arrogance sur les plus belles statues, et quand ils ont sali de leur excrément le front de Jupiter, le bras d’Hercule ou le sein de Vénus, se pavanent, fiers et satisfaits, comme s’ils venaient de pondre un œuf d’or. Oh ! une société composée de pareils élémens, pour un artiste, est pire que l’enfer. (Avec une exaltation sombre et toujours croissante.) J’ai envie d’aller dans le royaume de Naples ou dans la Calabre demander du service à quelque chef de Bravi ; dussé-je n’être que simple brigand. Oui, c’est ce qui me convient. De poétiques superstitions ; une madone protectrice ; de riches dépouilles amoncelées dans les cavernes ; des femmes échevelées, palpitantes d’effroi ; un concert de cris d’horreur, accompagné d’un orchestre de carabines, sabres et poignards ; du sang et du lacryma-christi ; un lit de lave bercé par les tremblemens de terre… ; allons donc, voilà la vie !…

  1. Voir dans les Œuvres du grand poëte ARRANGÉ même en Angleterre, ce que Byron appelait une salade de Shakespeare et de Dryden.