Page:Berlioz - Le Chef d’orchestre, éd2.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

compositeur sont totalement défigurées et perverties, et celles du chef d’orchestre, si honnêtes qu’on les suppose, n’en sont pas moins malencontreuses comme les tendresses de l’âne de la fable, qui assomme son maître en le caressant.

Signalons à présent plusieurs déplorables abus constatés dans presque tous les orchestres de l’Europe ; abus qui désespèrent les compositeurs et qu’il est du devoir des chefs de faire disparaître le plus tôt possible.

Les artistes jouant des instruments à archet veulent rarement se donner la peine de faire le tremolo ; ils substituent à cette effet si caractérisé une plate répétition de la note, de moitié, souvent même des trois quarts plus lente que celle d’où résulte le tremolo ; au lieu de quadruples croches, ils en font de triples ou de doubles ; au lieu de produire soixante-quatre notes dans une mesure à quatre temps (Adagio) ils n’en produisent que trente-deux ou même seize. Le frémissement du bras nécessaire pour obtenir le vrai tremolo exige, sans doute, un trop grand effort ! Cette paresse est intolérable. Bon nombre de contrebassistes se permettent, par paresse encore, ou par crainte de ne pouvoir vaincre certaines difficultés, de simplifier leur partie. Cette école de simplificateurs, en honneur il y a quarante ans, ne saurait subsister davantage. Dans les œuvres anciennes les parties de contrebasse sont fort simples, il n’y a donc aucune raison de les appauvrir encore ; celles des partitions modernes sont un peu plus difficiles, il est vrai, mais, à de très rares exceptions près, on n’y trouve rien d’inexécutable ; les compositeurs maîtres de leur art les écrivent avec soin et telles qu’elles doivent être exécutées. Si c’est par paresse que les simplificateurs les dénaturent, le chef d’orchestre énergique est armé de l’autorité nécessaire pour les obliger à faire leur devoir. Si c’est par incapacité, qu’il les congédie. Il a tout intérêt à se débarrasser d’instrumentistes qui ne savent pas jouer de leur instrument.

Les joueurs de Flûte, accoutumés à dominer les autres