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il fit simuler aux choristes un mouvement de marche, en élevant tour à tour chaque pied sans changer de place. Ce mouvement étant en rapports exacts avec le rhythme binaire de la mesure à 6/8 dans un allegretto, les choristes, qui n’étaient plus empêchés par leur directeur, exécutèrent aussitôt le morceau, comme s’ils eussent chanté en marchant, avec autant d’ensemble que de régularité, et sans ralentir.

Je reconnais pourtant que plusieurs directeurs des chœurs ou sous-chefs d’orchestre sont quelquefois d’une véritable utilité, et même indispensables pour maintenir l’ensemble des grandes masses d’exécutants. Lorsque ces masses sont forcément disposées de manière à ce qu’une partie des musiciens ou des choristes tournent le dos au chef, celui-ci a besoin alors d’un certain nombre de sous-batteurs de mesure placés devant ceux des exécutants qui ne voient pas le premier chef, et chargés de reproduire tous ses mouvements. Pour que cette reproduction soit précise, les sous-chefs devront se garder de quitter un seul instant des yeux le bâton du conducteur principal. Si, pour regarder leur partition, ils cessent de le voir pendant la durée de trois mesures seulement, aussitôt une discordance se déclare entre leur mesure et la sienne, et tout est perdu.

Dans un festival où douze cents exécutants se trouvaient réunis sous ma direction à Paris, en 1844, je dus employer cinq directeurs du chœur placés tout autour de la masse vocale, et deux sous-chefs d’orchestre dont l’un dirigeait les instruments à vent et l’autre les instruments à percussion. Je leur avais bien recommandé de me regarder sans cesse ; ils ne l’oublièrent pas ; et nos huit bâtons, s’élevant et s’abaissant sans la plus légère différence de rhythme, établirent parmi nos douze cents musiciens l’ensemble le plus parfait dont on ait jamais eu d’exemple. Avec un ou plusieurs métronomes électriques maintenant, il ne semble plus nécessaire de recourir à ce moyen. On peut en effet diriger sans peine de la sorte des choristes qui tournent le dos au